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Est-ce que tout cela ne doit pas conduire au socialisme d’État, par le rôle prépondérant que l’État va avoir à prendre dans la direction économique et unitaire du travail national ? Est-ce que tout cela ne doit pas conduire au socialisme sans épithète, par les entraves à la liberté qui résulteront forcément de cette action directrice de l’État ? List a vu l’objection, et il y répond non sans succès, par la différence entre le point de vue privé, qui relève de l’individu, et le point de vue national, pour lequel l’État a une compétence incontestable et incontestée. Il réplique en substance que l’État ne s’immisce pas d’une manière positive dans l’administration intérieure des patrimoines, ni dans la répartition sociale des richesses, mais qu’il se borne à défendre l’ensemble des biens et des personnes, envisagés comme éléments de la nation, contre l’intrusion économique des nationalités étrangères[1].

Raymond, son maître, avait à maintes reprises proclamé la liberté la plus entière comme un élément indispensable de la prospérité nationale, dans tout ce que cette liberté n’avait pas d’incompatible avec le bien de la nation[2].

Au moins Frédéric List a-t-il réussi dans la campagne qu’il menait depuis 1819 pour l’unité douanière de l’Allemagne. Il n’entre pas dans notre plan de décrire en détail les diverses unions partielles qui furent d’abord conclues, et qui frayèrent la voie au Zollverein germanique, puis à la grande unité politique de l’Empire. Ce que nous avions seulement à noter, c’était l’immense action de l’idée sur le fait. Cependant List n’avait pas été seul et il faut rendre hommage, avec lui, aux économistes libéraux déjà

    sens national, quand la productivité morale et la productivité matérielle, de cette nation sont en un juste rapport, quand l’agriculture, l’industrie et le commerce sont développés également et harmoniquement » (Op. cit., p. 13).

  1. Op. cit., 1. II, ch. xiv, p. 147.
  2. « Les citoyens, dit Raymond, auraient autant de liberté qu’il y en a de compatible avec le bien de la nation. Les en priver serait une tyrannie. » (Op. cit., 1. V, ch. ii, 4e édition, p. 202).