peut-être, ajouterons-nous, la vraie solution de l’énigme fameuse que J.-B. Say s’était posée à lui-même et qu’il n’avait pas résolue.
« Puisque la richesse des particuliers, avait-il dit, est en raison du total des valeurs qu’ils possèdent, comment se fait-il que celle des nations soit d’autant plus grande que les choses y ont le moins de valeur ? » Et — la question une fois faite — J.-B. Say s’était tu sur la réponse.
Toutefois, en parlant des forces productives d’une nation et en voyant en elles le principe et la mesure de la richesse nationale, List ne se renfermait pas dans l’idée étroite que Smith avait donnée de la productivité du travail, ni dans l’idée plus étroite encore que Stuart Mill s’apprêtait à en donner. List ne songeait pas, en effet, à l’incorporation du travail en un objet matériel, et il ne séparait pas cette productivité d’avec la notion du travail permanent de Raymond.
Grâce à cette notion des forces productives nationales, List prétendait expliquer fort bien que la France se fût rapidement guérie de ses vingt-cinq ans de guerre et de révolutions et des deux invasions qu’elle avait subies en 1814 et 1815. Trente ans après son livre, il aurait expliqué de la même manière notre relèvement après les événements de 1870-1871 et le paiement de l’indemnité de guerre de cinq milliards. Toutefois sa théorie, présentait sur ce point une lacune, que du reste les relations économiques de ces temps là ne lui auraient guère permis de combler. C’est que les nations modernes possèdent aujourd’hui en dehors d’elles-mêmes et chez les autres une véritable force productive d’un tout autre genre : je veux dire celle qui est faite de leurs capitaux émigrés et qui réside dans les valeurs mobilières ou immobilières transplantées de l’étranger chez elles. En cela, les nations se comportent comme de véritables particuliers capitalistes. Mais elles ne peuvent conquérir cette situation qu’après un long développement de la force productive nationale, entendue telle que