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les termes[1]. L’amélioration de la classe ouvrière se fera par l’indépendance, indépendance à la fois économique et morale, qui affranchira l’ouvrier de toute relation de patronage et de tout devoir d’attachement, et qui, non contente de l’affranchir de toute sujétion à l’égard des autorités sociales, l’affranchira même de ses devoirs domestiques et de la vie de famille. Nous y reviendrons à propos des idées socialistes de Mill.

— L’autorité de Stuart Mill fut longtemps dominante : au témoignage de Bagehot, les étudiants de cette génération ne regardaient les anciens économistes qu’au travers de Mill et n’en voyaient que ce qu’il leur recommandait d’en voir[2]. C’est là un culte que nous avons peine à nous expliquer maintenant.

À coup sûr l’économiste qui en subit le plus vivement l’influence, sans accepter toutefois les idées socialistes de Mill, fut l’Irlandais John Elliot Cairnes (1824-1875), successivement professeur à Oxford, à Galway et à Londres, et auteur, entre autres ouvrages, de Character and logical method of political economy (1857)[3], de The slave power (1862) et de Some leading principles of political economy newly expounded (1874)[4].

La méthode déductive triomphe avec Cairnes. Selon lui, « les phénomènes relatifs à la richesse, tels qu’ils se présentent à notre observation, sont au nombre des plus

  1. « Le chapitre, dit-il, qui a exercé sur l’opinion plus d’influence que tout le reste du livre (1. IV, ch. vii), est dû tout entier à Mme Taylor. Dans le premier plan du livre, ce chapitre n’existait pas. La partie la plus générale de ce chapitre est en entier une reproduction de ses idées et souvent dans les termes mêmes que je recueillais de sa bouche… Je tenais ces vues en partie des idées qu’éveillèrent en moi les doctrines des saint-simoniens ; mais c’est sous l’influence de ma femme qu’elles devinrent le souffle vivant qui anime mon livre » (Autobiographie).
  2. Bagehot, Economic studies, p. 215.
  3. Traduit en français sous le titre : le Caractère et la méthode logique de l’économie politique, 1902.
  4. Sur Cairnes, voyez Price, History of political economy in England, 2e édit., ch. v, pp. 115 et s. ; — Ingram, Histoire de l’économie politique pp. 221 et s.