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sept ans, il se déclarait résolument-pour la morale utilitaire de Bentham et fondait, avec une dizaine d’amis, une « société utilitaire » ou « utilitarienne », qui grossit le nombre des sectes mort-nées.

En 1831, quand il avait vingt-cinq ans, la rencontre de Mme Taylor, alors âgée de vingt-trois ans, lui révéla dans son cœur une faculté d’affection qu’il ne se connaissait point. Mme Taylor devint son amie ; c’est elle qui lui inspira dans son Autobiographie le chapitre intitulé « de l’amitié la plus précieuse de ma vie ». Il était admis en tiers dans le ménage Taylor, en attendant que la mort du mari, survenue seulement en 1851, lui permît d’épouser celle qu’il aimait depuis vingt ans. Ce qui fut le plus étrange, c’est que Mme Taylor et plus tard sa fille furent les Égéries de ce philosophe si sec et si profondément abstrait. Longtemps employé de la Compagnie des Indes, avec un traitement qui valait celui d’un ministre, Stuart Mill fut élu, en 1865, à la Chambre des communes, où il ne donna que des déceptions à ses amis. Non réélu en 1868, il se retira en 1869 dans les environs d’Avignon, auprès du tombeau de Mme Taylor, et il y mourut en 1873.

Tel fut l’écrivain qu’on a rangé « parmi les hommes qui ont le plus grandement accru le capital Intellectuel et moral de l’humanité[1] ». En morale, son œuvre n’a été que négative : qu’a-t-il donc apporté de nouveau dans l’ordre des connaissances intellectuelles ?

C’est son Système de logique (1843) qui a fait sa réputation comme philosophe. Nous pouvons, quant à nous, en retenir le livre VI sur la méthode dans les sciences, lequel n’est pas sans intéresser de près l’économie politique[2]. L’année suivante (1844) il donne les Essays on some un-

  1. Fernand Faure, député, puis directeur général de l’Enregistrement, du Timbre et des Domaines, dans le Dictionnaire économique de Léon Say et Chailley-Bert, ve Stuart Mill, t. II, p. 274.
  2. Voyez Block, Progrès des sciences économiques depuis Adam Smith, 2e édit., t. I, pp. 35 et s., et pp. 74 et s.