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dans sa pensée une vaste synthèse doctrinale. Un seul volume en parut ; encore beaucoup des vingt-cinq chapitres qu’il renferme ne sont-ils que des ébauches. Nous reviendrons plus tard sur ces pages si vivantes et j’ose dire aussi si poétiques, auxquelles Bastiat, peu prisé dans les régions purement scientifiques, est redevable ailleurs d’une popularité que les années ont à peine affaiblie.

D’autres publicistes faisaient campagne avec Bastiat pour le libre-échange : citons au moins parmi eux Michel Chevalier, Joseph Garnier et Wolowski.

Michel Chevalier (1806-1879), né à Limoges, puis reçu premier à l’École polytechnique à l’âge de dix-sept ans et ingénieur des mines, avait d’abord versé dans les chimères du saint-simonisme. Il en eut une poursuite devant la Cour d’assises de la Seine et une condamnation à un an de prison, en 1832. Gracié d’une partie de sa peine, il fut envoyé en mission aux États-Unis, par la protection de Thiers, et ce fut de là qu’il écrivit, en 1834, ses curieuses Lettres sur l’Amérique du Nord. Il rentra en faveur auprès du gouvernement et fut successivement conseiller d’État, professeur d’économie politique au Collège de France en remplacement de Rossi, puis député de l’Aveyron avant 1848. Sous l’Empire on le retrouve conseiller d’État, puis sénateur.

Michel Chevalier s’efforça de donner une grande impulsion aux travaux publics et particulièrement à la construction des chemins de fer. En cela, il restait en lui autant du polytechnicien, de l’ingénieur et du saint-simonien, qu’il pouvait y avoir de l’économiste. Son Traité de la monnaie (1850) et son Cours d’économie politique sont deux œuvres d’une réelle valeur : mais il est surtout intéressant par la part qu’il eut à la négociation des traités de commerce de 1860.

Libre-échangiste convaincu, il avait entrepris, en 1859, de convertir Napoléon III à ses idées et de l’amener à négocier des traités de commerce, que la Constitution per-