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CHAPITRE IV

LE SYSTÈME DE LA MOINDRE ACTION DE L’ÉTAT

Nous avons vu l’Angleterre enfermée dans un régime nettement prohibitionniste, avec ses actes de navigation et ses droits exagérés sur l’importation des céréales. Le temps approche cependant où elle fera prédominer dans le Monde la politique tout opposée du libre-échange. Comment cette révolution s’est-elle accomplie ? Comment ces idées nouvelles se sont-elles dégagées peu à peu ? Comment enfin, ont-elles passé de la théorie dans les faits ?

De loin, Adam Smith semble avoir déterminé cette évolution, avec son esprit à la fois individualiste et cosmopolite et avec la place relativement faible qu’il faisait au sentiment et aux besoins de l’unité nationale. Cependant, avec son admiration pour la politique de Cromwell et de Charles II et avec ses réserves en faveur des industries à protéger, ce n’est pas encore lui qui a été, en fait, l’inspirateur dernier de ce changement.

Il y a eu d’ailleurs deux choses bien distinctes dans cette orientation de l’économie et de la politique de l’Angleterre. Il y a eu la poussée des intérêts, qui croyaient être mieux servis par le libre-échange que par les régimes de prohibition ou de protection ; et il y a eu aussi la logique des doctrines, qui, érigeant en dogme le système de la moindre action de l’État, se refusaient à admettre que celui-ci pénétrât dans les relations économiques des peuples aussi bien que dans celles des individus. Or, la morale utilitaire de Bentham, basée sur la recherche de l’intérêt privé, a préparé les esprits au triomphe de ces doctrines, infiniment mieux que n’avait pu le faire la philosophie de Smith.