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vement économique qui agitait le monde. Ni les préoccupations, ni la méthode n’étaient uniformes, comme elles l’avaient été aux temps d’Hume, de Smith, de Malthus et de Ricardo. Autrefois, en effet, si l’on avait des idées différentes, c’était au moins dans le même état d’esprit, et l’on se comprenait encore, quand même peut-être on ne s’accordait pas sur les détails. Mais il n’en est plus ainsi, à mesure qu’on approché du milieu du XIXe siècle. Les questions du libre-échange passionnent les hommes d’affaires ; ils y ont réduit toute l’économie politique et ils ont construit des théories pour s’en faire des arguments en faveur de leurs intérêts. Les esprits philosophiques, avec Stuart Mill et Cairnes, s’enfoncent toujours plus avant dans les abstractions ; à la suite de Ricardo, ils s’égarent toujours plus loin des réalités concrètes de la vie. Déjà aussi les publications de Carlyle, succédant à l’œuvre de Sismondi et coïncidant avec l’agitation chartiste, ouvrent davantage les âmes aux émotions de la pitié, en attendant que le vent de l’historisme soufflé à son tour de l’Allemagne et détermine une réaction, peut-être nécessaire, contre les abus de la métaphysique. Désormais, par conséquent, il va nous falloir diviser notre attention, ou plutôt il va falloir que nous la portions successivement sur des courants simultanés d’idées quelque peu divergentes. C’est dire que l’ordre chronologique ne peut pas être suivi plus longtemps : nous lui substituons donc désormais le groupement par écoles, avec l’étude des caractères qui les différencient les unes d’avec les autres.