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que le fourrage, est presque aussi difficile à transporter ; la troisième est celle de la culture continue par assolement régulier entre les céréales et les autres récoltes ; la quatrième est celle de la culture pastorale ; la cinquième est celle de la culture alternative (ou triennale), peu intensive et dépourvue d’engrais ; la sixième repose sur l’industrie du bétail avec transport des cuirs et des laines (comme font aujourd’hui les lointaines régions de l’Australie et de la Plata)[1].

Bien plus, dans chaque domaine, en admettant que les bâtiments d’exploitation soient au centre, on peut observer des zones concentriques analogues ; et ici l’observation de Thünen est d’une frappante exactitude pour quiconque regarde un domaine isolé placé dans une situation quelque peu semblable. La maison y est entourée du jardin et des menues récoltes exigeant le plus de soins journaliers ; viennent un peu plus loin des terres à culture continue, situées à une distance moyenne, mais assez faible encore pour que les engrais y soient transportés commodément ; enfin, tout aux limites de la propriété, se trouve une ceinture extrême de bois pour le chauffage domestique et de terres laissées fréquemment en jachère.

Telle est la théorie qui a fait connaître Von Thünen.

La seconde partie de l’État isolé est consacrée au salaire naturel et à ses rapports, soit avec le loyer des capitaux, soit avec la rente de la terre. Thünen se demande avec inquiétude « si le bas salaire que le manœuvre reçoit presque partout, est conforme à la nature, ou bien s’il provient d’une usurpation à laquelle l’ouvrier ne peut plus se soustraire ». Cette partie de l’œuvre de Thünen ne parut qu’en 1850. Mais il y avait plus de vingt ans qu’il en assemblait et en revisait sans cesse les matériaux, puisque dès 1830 il écrivait à son frère toute la joie qu’il

  1. Au point de vue de la culture intensive et du transport des engrais, il y a quelque chose de semblable dans Boisguilbert, Traité des grains, IIe partie, ch. vi (édition Guillaumin, p. 350).