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objets de première nécessité[1]. Et tout cela est complété par ce jugement : « L’industrie que notre système mercantile encourage principalement, dit-il, c’est celle sur laquelle porte le bénéfice des gens riches et puissants. Celle qui alimente les profits du faible et de l’indigent est presque toujours négligée ou supprimée[2] ».

J.-B. Say admet l’intervention de l’Etat en face des misères à soulager. Pour lui cette intervention doit prendre la forme de secours proprement dits, s’il s’agit d’une cause accidentelle, isolée et passagère ; et elle doit se résoudre en quelque nouveau genre de travail à faire trouver, quand « la cause (de la chute du prix du travail) est durable de sa nature », parce que, alors, dit-il, « les secours pécuniaires et passagers ne remédient à rien ». Mieux vaut donc, pour ce cas, tâcher de fournir aux bras des employés une nouvelle occupation durable, favoriser de nouvelles branches d’industrie, former des entreprises lointaines, fonder des colonies[3]. Bien plus, non content d’approuver les factory acts de l’Angleterre[4], il admet expressément, comme fait aussi Sismondi, que « la loi doit prêter quelque force à celui des deux contractants qui est nécessairement dans une position tellement précaire et dominée, qu’il est quelquefois forcé d’accepter des conditions onéreuses[5] ».

    une espèce de prison, quelque inconvénient qu’il puisse y avoir pour lui à rester dans l’endroit où il aura eu le malheur de gagner ce qu’on appelle un domicile, ou quelque avantage qu’il puisse trouver à aller vivre ailleurs ».

  1. Impôts sur le sel, sur le cuir (10 %), sur le savon (de 20 % à 25 %), sur la chandelle (15 %), sur le charbon transporté par mer d’un port anglais à un autre port anglais (3 sh. 3 d. par tonneau). — Voir Richesse des nations, 1. V, ch. ii, § 2, t. II, pp. 562-569.
  2. Richesse des nations, 1. IV, ch. vin, 1.11, p. 288. — « En encourageant, dit Smith, l’importation du fil étranger pour toiles, et en le faisant venir ainsi en concurrence avec celui que filent nos ouvriers, nos manufacturiers cherchent à acheter au meilleur marché possible l’ouvrage des pauvres gens qui vivent de ce métier. Ils ne sont pas moins attentifs à tenir à bas prix les salaires de leurs tisserands que ceux des pauvres fileuses ; et s’ils cherchent tant à hausser le prix de l’ouvrage fait ou à faire baisser celui de la matière première, ce n’est nullement pour le profit de l’ouvrier » (Ibid.).
  3. Traité, 1. II, ch. vi, § 4, 2e édit., t. II, p. 83.
  4. Cours complet, 1. V, ch. x, éd. Guillaumin, t. II, p. 50.
  5. Ibid.