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Bargemont, en condamnant très énergiquement le néomalthusianisme, avait cru devoir conclure ainsi : « Les paroles formelles de l’Apôtre (saint Paul)… répondent suffisamment aux allégations contradictoires des philosophes modernes et des économistes de l’école anglaise, qui, après s’être élevés contre le célibat des prêtres, ont depuis reproché au clergé d’encourager indiscrètement la population. Mais sous ce point de vue même l’ouvrage de Malthus nous est doublement précieux, car il a mis sur la voie de combattre de vieilles erreurs anticatholiques[1]. »

Comment donc le nom de malthusianisme a-t-il été inventé et pourquoi est-il devenu ainsi odieux ? Ce fut la faute des disciples, défigurant la pensée du maître et trop pressés de la faire descendre dans la pratique, au lieu de la laisser planer dans les régions de la théorie avec une contrainte morale irréalisable ou dangereuse. Sismondi lui-même, qui a combattu par d’assez médiocres raisons le système théorique de Malthus l’a de beaucoup dépassé par le cynisme irreligieux de ses conseils[2].

De ceux qui se sont signalés dans ce travail de corruption intellectuelle, nous nous bornons à citer le conseiller aulique allemand Weinhold[3] ; puis un certain Marcus, pseudonyme d’un auteur anglais « d’une grande célébrité », disait Rossi, qui connaissait son vrai nom, mais n’a jamais voulu le révéler[4] ; enfin, parmi nos contemporains, l’Anglaise Annie Besant, qui a prêché une véritable croisade de vice parmi les populations ouvrières de la Grande-Bretagne[5]. Annie Besant appartenait au socialisme, avant

  1. De Villeneuve-Bargemont, Économie politique chrétienne, 1. I, ch. v.
  2. Sismondi, Nouveaux principes d’économie politique, 1. VII, ch. v, t. II, pp. 292 et s. ; et ch. vi, p. 308.
  3. Sur Weinhold, voyez Roscher, Grundlagen der Nationakekonomie, § 258, note 13 (2e édit., 1857, p. 524).
  4. Sur Marcus, qui était, paraît-il, un « philosophe chartiste », voyez Thonissen, le Socialisme depuis l’antiquité, 1852, t. II, p. 240.
  5. The law of population : its consequences and its bearing upon human conduct and morals, by Annie Besant. — En trois ans, dit l’auteur, soixante mille exemplaires de cette immonde publication s’étaient écoulés