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Les hommes qui, instruits eux-mêmes, ont voulu le juger d’après son livre et non pas d’après les déviations que sa doctrine a subies plus tard, ont été plus élogieux, disons aussi plus perspicaces. Nous avons cité ailleurs les termes dans lesquels Joseph de Maistre appréciait le volume, « un de ces livres rares, disait-il, après lesquels tout le monde est dispensé de traiter le même sujet[1] » ; et un jésuite, le R. P. Taparelli d’Azeglio, dans son Essai sur le droit naturel (1857), n’a fait guère autre chose que christianiser les idées économiques du Principe de population[2]. Enfin, le, plus ancien des économistes chrétiens, M. de Villeneuve--

    son tour, infiniment plus rapide que celle des hommes… mais il faut que la nourriture ne manque pas au blé : c’est tout comme pour l’homme. » Seulement Sismondi y ajoutait dès conclusions tout à fait néo-malthusiennes (l’homme est le seul être dont la reproduction soit libre au lieu d’être purement instinctive), tandis que les conclusions du P. Liberatore restent opposées à celles de Malthus, parce qu’il fait systématiquement abstraction de la notion d’espace, sans laquelle, cependant, on ne conçoit ni hommes, ni plantes, ni animaux. — Dans Population and capital, Rickards, professeur à Oxford, a aussi critiqué Malthus sur cette fécondité des végétaux plus grande que celle des hommes : mais Cairnes y a répondu et sans peine (Cairnes, Caractère et méthode logique de l’économie politique, tr. fr., 1902, pp. 191 et s.).

  1. Du Pape, 1. III, ch, iii, § 3, éd. de 1857, pp.364-366. — Pour le jugement porté sur Malthus, voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édit., pp. 603, 616-617. — Joseph de Maistre avait particulièrement l’avantage de trouver dans Malthus ; protestant et même pasteur, une justification de la moralité et de la nécessité du célibat, des prêtres et des religieux et religieuses, toutes choses que Diderot et un certain nombre d’encyclopédistes avaient combattues. — Il suffit même de consulter Montesquieu (Esprit des lois, 1. XXIII, ch. xxi, édit de 1788, pp. 304 et 316-318) et de voir son admiration des lois caducaires, son mépris du célibat chrétien, pour apprécier les idées qui tendaient dès lors à dominer dans le monde philosophique.
  2. Op. cit., 1. V, ch. vi, §§ 1118, 1120, 1122 et 1123 (tr. fr., t. II, pp. 507-509) 1875 : « L’accroissement démesuré de la population, dit le P. Taparelli, est un véritable fléau pour l’honnêteté comme pour l’aisance publique… La société catholique est la seule qui soit capable de résoudre cette grave et délicate question : opposer une barrière à l’accroissement excessif de la population, sans diminuer la félicité sociale, sans entraver les mariages, sans ouvrir la voie au crime et même en facilitant les unions et leur fécondité », parce que « le législateur du christianisme…a rendu la continence vénérable par les éloges qu’il lui a prodigués, possible par sa grâce, et facile par les institutions qui existent dans son Église. » — Voyez pour plus de détails nos Éléments d’économie politique, 2e éd., p. 617. — Comparez aussi Charles Périn, De la richesse dans les sociétés chrétiennes, 1. IV, ch. i et iv et particulièrement t. I, p. 541 ; — de Metz-Noblat, Lois économiques, ch. xxii.