Page:Rambaud, Histoire des doctrines économiques, 1909.djvu/306

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Malthus clôt son œuvre par la réponse aux objections, sorte d’appendice au livre V, où les redites ne peuvent pas manquer. On y retrouve par exemple une discussion sur le droit des pauvres à l’assistance, discussion qui aurait été mieux à sa place à propos des poor-laws et de l’aumône.

Mais restons sur ces mots, qui résument bien la pensée de Malthus : « La première grande objection qu’on ait faite contre mes principes, c’est qu’ils contredisent le commandement primitif du Créateur… Ceux qui m’opposent cette objection n’ont pas lu mon ouvrage… C’est méconnaître entièrement mes principes que de m’envisager comme un ennemi de la population. Les ennemis que je combats sont le vice et la misère[1]. »

Il est vrai que la première ébauche du Principe de population avait contenu une phrase autrement dure, qu’on n’a pas manqué de reprocher à l’auteur. « Un homme, y était-il dit, qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille ne peut plus le nourrir ou si la société ne peut utiliser son travail, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur la terre. Au grand banquet de la nature il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et, elle ne tarde pas à mettre elle-même cet ordre à exécution. » Mais cette phrase fut supprimée dès l’édition de 1803.

Le retentissement de cette œuvre fut immense. Sans doute le plan n’est pas parfait, et la forme est quelque peu ennuyeuse ; on n’y trouve rien qui rappelle soit la limpide clarté d’exposition qui caractérisait J.-B. Say, soit la bonhomie qui rendait.si facile et si agréable la lecture d’Adam Smith. Bref, le livre du pasteur Malthus ressemble trop à un prêche lourd et froid. Mais il insiste avec une telle force que les idées qu’il apportait et qui étaient vraiment neuves, ne pouvaient pas manquer de faire une profonde impression sur les esprits.

  1. Op. cit., p. 580.