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par la recherche de la meilleure combinaison pour avoir une nation à la fois nombreuse et bien nourrie. Malthus y discute, au point de vue de leurs avantages respectifs, le régime agricole et le régime commercial, et il conclut pour le mélange de l’un et l’autre[1], conclusion qui a peut-être le tort d’être donnée d’une manière générale et sans une suffisante adaptation aux circonstances de lieu et de temps.

Le livre IV a une portée beaucoup plus morale. À propos de « l’espérance qu’on peut concevoir dans l’avenir, de guérir ou d’adoucir les maux qu’entraîne le principe de population », Malthus s’y montre sentimentaliste, doux et onctueux pour ainsi dire, vrai pasteur, ayant souvent sur les lèvres les textes de la Bible et de saint Paul. Rien ne fait allusion à certain vice, qu’on lui a reproché si souvent d’avoir préconisé ; et ici toute sa faute semble bien être d’avoir mal connu la nature humaine et d’avoir beaucoup trop présumé de la force, avec laquelle un homme pourra résister aux appétits sensuels toutes les fois qu’il ne voudra chercher que dans l’ordre naturel et économique le point d’appui qui lui est nécessaire, en dehors du mariage, pour résister à ces appétits, et dans le mariage pour ne pas les déformer et les vicier.

    ou aux miens, et peut-être sommes-nous en état de les supporter aisément… Mais si je donne à un pauvre de l’argent, en supposant que le produit du pays ne change point, c’est un titre que je lui donne pour obtenir une portion de ce produit plus grande que ci-devant.’Or, il est évidemment impossible qu’il reçoive cette augmentation sans diminuer la portion des autres » (Op. cit., pp ; 353 et s.). — Voyez la même opinion développée, et soutenue, aggravée même, dans Ch. Gide, Principes d’économie politique, 1re édit., pp. 418-420. « L’aumône, dit M. Gide, produit les effets fâcheux d’une augmentation de dépenses combinée avec une diminution de l’épargne. Elle ajoute à la catégorie des consommateurs déjà existants une catégorie de nouveaux consommateurs, qui jusqu’alors ne pouvaient consommer, parce qu’ils n’en avaient pas le moyen, mais qui désormais le peuvent… Le riche qui donne un billet de banque, s’il ne consent pas à retrancher une somme équivalente sur son superflu, aurait mieux fait, au point de vue général, de jeter son billet de banque au feu » (Loc. cit.). — Sur l’aumône, voyez nos Éléments d’économie politique, 2e édit., p. 655 et s.

  1. Principe de population, p. 412. — On pourrait rapprocher ce passage des éloges que List fera plus tard de l’Agrikulturmanufakturhandelsstand, régime qu’il place au sommet de l’ascension économique des peuples.