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ment on peut s’étonner qu’il y traduise encore « production » par « création d’objets constituant la richesse » et « consommation » par « destruction totale ou partielle de certaines portions de la richesse[1] ». Était-ce une réminiscence des axiomes de la physiocratie ? En tout cas, après le Traité de J.-B. Say, on peut trouver que c’était bien vieux et bien enfantin. On comprend donc fort bien que le Principe de population soit la seule œuvre de Malthus qui lui ait survécu.

L’Essai sur le principe de population — ou plutôt sur les lois de la croissance de la population, comme nous dirions en français — a cinq livres. Les deux premiers étudient les obstacles à la population, soit dans les pays anciens et moins civilisés, soit dans l’Europe contemporaine. Ils s’ouvrent par deux chapitres qui renferment toute la substance de la doctrine malthusienne. Le premier traite de la « tendance de tous les êtres vivants à accroître leur espèce plus que ne le comporte la quantité de nourriture qui est à leur portée[2] » ; et il expose la double formule de la progression géométrique des existences humaines doublant par vingt-cinq ans et de la progression seulement arithmétique des subsistances[3]. Le second renferme la théorie des obstacles, tantôt préventifs (vice et contrainte morale), tantôt répressifs (malheurs divers, embrassés sous le nom collectif de misery)[4]. Ces idées essentielles, constitutives de toute la théorie de Malthus, sont suffisamment exposées et discutées ailleurs pour qu’ici

  1. Op. cit., ch. x, éd. Guillaumin, pp. 321, 332.
  2. Op. cit., 1. I, ch. i, p. 6 de l’édition Guillaumin.
  3. « Nous pouvons tenir pour certain que, lorsque la population n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doublant tous les vingt-cinq ans et croit de période en période selon une progression géométrique… Nous sommes en mesure de prononcer, d’après l’état actuel de la terre habitée, que les moyens de subsistance, dans les circonstances les plus favorables à l’industrie, ne peuvent jamais augmenter plus rapidement que selon une progression arithmétique » (Ibid., pp. 8 et 10).
  4. À signaler ici, au point de vue de la morale, une note de Malthus lui-même qui est assez équivoque sur les procédés de la contrainte morale (sous la page 14 de l’édition Guillaumin).