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Ces deux derniers griefs ont été articulés à diverses reprises, notamment par Raymond et par List, au nom de l’économie politique nationale[1], et par tous les groupes divers de prétendus interventionnistes et de socialistes. Nous n’osons pas dire que les critiques sûr la trop grande restriction des fonctions de l’État n’aient pas quelque chose de fondé. Tout en sachant, quand il convient, s’inspirer des intérêts particuliers de l’Angleterre, Adam Smith a paru proclamer d’une manière un peu trop absolue l’accord permanent de l’intérêt privé et de l’intérêt général[2]. Cependant, si nous n’acquiesçons en aucune manière à son système de morale, nous ne croyons pas, quoi qu’on en ait dit[3], que cette morale de la sympathie qui est la sienne, ait exercé aucune influence appréciable sur l’orientation générale de la Richesse des nations.

Entre les physiocrates et lui, c’est cependant un point de dissemblance qu’il est bon de noter ; car Quesnay professe à l’égard des intérêts particuliers une défiance que Smith ne partage pas, pas plus du reste que Say et Ricardo ne la partageront après lui.

En tous cas il est très heureux pour la mémoire d’Adam Smith que dans son grand ouvrage et le seul qui lui ait survécu, il ait eu le bon sens de ne pas faire de philosophie, ce qui l’a sauvé d’en faire de la mauvaise.

  1. Voyez plus bas, même livre, ch. vii. — Voyez aussi infra.
  2. « Tout système qui cherche, ou par des encouragements extraordinaires à diriger vers une espèce particulière d’industrie une plus forte portion du capital de la société que celle qui s’y porterait naturellement, ou, par des entravés extraordinaires à détourner forcément une partie de ce capital d’une espèce particulière d’industrie vers laquelle elle irait sans cela chercher un emploi, est un système réellement subversif de l’objet même qu’il se propose comme son principal et dernier terme. Bien loin de les accélérer, il retarde les progrès de la société vers l’opulence et l’agrandissement réels ; bien loin de l’accroître, il diminue la valeur réelle du produit annuel des terres et du travail de la société » (L. III, ch. ix, in fine, t. II, p. 338).
  3. Voyez dans le R. P. Pesch, Die philosophischen Grundlagendes œkonomischen Liberalismus, tous les §§ 2 et 3 du ch. ii, pp. 104-163.