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nouvelle, l’écart entre la valeur qu’il donne et la valeur qu’il reçoit[1]. Finalement, il croit concilier toutes choses et mettre les artisans et les cultivateurs sur le même rang les uns que les autres, en leur déniant à tous la faculté de produire véritablement quoi que ce soit, en n’expliquant que par un abus de langage la formule qui leur attribue le pouvoir de produire, les uns, les richesses foncières, les autres, les richesses mobilières, et en regardant toutes les classes, sociales comme salariées réciproquement les unes par les autres — ce qui fait tomber les deux classes productive et stérile de Quesnay et de Dupont[2].

L’ouvrage renferme un certain nombre de saines idées, notamment, sur la monnaie, le pouvoir de la monnaie et les variations des prix[3], ainsi que sur la valeur[4], quoiqu’ici

  1. Voir le sommaire du ch. VI, 1. I : « La terre est l’unique source des richesses ; — Si, dans les échanges, on donnait toujours valeur égale pour valeur égale, le commerce n’augmenterait pas la masse des richesses. Mais on donne toujours moins pour plus ; — Par les échanges, ce qui n’était pas richesse, devient richesse : les commerçants augmentent donc la masse des richesses. »
  2. « La terre, dit-il, est l’unique source de toutes les richesses… Il est donc démontré que l’industrie est aussi, en dernière analyse, une source de richesses. Tous les travaux concourent à augmenter la masse des richesses… L’industrie des marchands et des artisans est un fonds de richesses autant que l’industrie dès colons… À parler exactement le colon ne produit rien : il dispose seulement la terre à produire. L’artisan, au contraire, produit une valeur, puisqu’il y en a une dans les formes qu’il donne aux matières premières. Produire, en effet, c’est donner de nouvelles formes à la matière : car la terre, lorsqu’elle produit, ne fait pas autre chose. Mais parce que la terre, abandonnée à elle-même, nous laisserait souvent manquer des productions qui nous sont le plus nécessaires, on peut regarder comme produit du colon tout ce qu’il recueille sur les champs qu’il a cultivés. Je dirai donc que le colon produit les richesses foncières et que l’artisan produit les richesses mobilières » (Op. cit., 1. I, ch. VI, VII et IX, éd. Daire, pp. 266, 271, 273, 274). — « Tous les citoyens sont salariés les uns à l’égard des autres. Si l’artisan et le marchand sont salariés du colon auquel ils vendent, le colon l’est à son tour de l’artisan et du marchand auxquels il vend, et chacun se fait payer son travail » (ch. VIII, p. 273).
  3. Op. cit., I, ch. XIII. et s.
  4. Ibid., 1. I, ch. II. — Cependant, même ici, Condillac n’a pas toute la clarté d’une véritable et saine philosophie. Qu’on en juge. « L’utilité d’une chose, dit-il, est fondée sur le besoin que nous en avons… La valeur des choses est fondée sur leur utilité, ou, ce qui revient encore au même, sur le besoin que nous en avons, ou, ce qui revient encore au même, sur l’usage que nous en pouvons faire » (Loc. cit., éd. Guillaumin, pp. 250-251). Donc, dirons--