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justice le 12 mars ; il faiblit lui-même devant les résistances, et le 12 mai il donna l’ordre à Turgot de démissionner. Celui-ci vécut peu longtemps dans sa retraite et mourut le 18 mars 1781.

C’était un homme probe et énergique, mais raide par caractère, non moins que timide et embarrassé pour parler en public. Il valait mieux pour concevoir ou pour exécuter en sous-ordre, que pour faire accepter un programme et tourner ou désarmer des oppositions.

Bien d’autres réformes eussent complété son œuvre, s’il avait pu demeurer plus longtemps au pouvoir. Ses projets d’assemblées paroissiales, puis cantonales et provinciales, élues les premières par les propriétaires et les autres par les assemblées inférieures, auraient, eu quelque chance d’habituer graduellement le pays à la liberté administrative, puis à la liberté politique, et de désarmer à temps l’absolutisme royal. Il fut trop tard quand on voulut, quinze ans après, inaugurer la liberté : comprimée trop longtemps, elle devait éclater tout de suite dans la licence.

Au milieu des sollicitudes que lui donnait l’administration du Limousin, Turgot avait trouvé le temps de composer des œuvres qui ont achevé d’illustrer son nom. En 1766, il écrivait, pour deux jeunes Chinois, Ko et Yang, qui retournaient dans leur pays après leurs études faites, ses Réflexions sur la formation et la distribution des richesses. Ce fut le premier ouvrage didactique destiné à vulgariser les principes fondamentaux de la science. Le système physiocratique y est succinctement présenté, mais sans les exagérations au milieu desquelles Quesnay l’avait irrémédiablement compromis. Toute la partie consacrée aux capitaux en général, à la valeur, à la monnaie, aux richesses mobilières et à l’intérêt de l’argent, y est-particulièrement remarquable[1] : nous y citons entre

  1. Op. cit., §§ 31-91.