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rations qui est restée comme l’œuvre capitale du ministère de Turgot. Momentanée avec lui, elle allait, en effet ; bientôt devenir définitive, avec les deux lois des 2 mars et 14 juin 1791, dont la première supprima l’obligation, et l’autre, la faculté de l’association professionnelle entre gens de même métier. On a beaucoup critiqué surtout cette dernière interdiction ; mais nous-mêmes, témoins des conséquences de la loi du 21 mars 1884, qui, en ayant eu le mérite de donner la liberté des associations professionnelles, a eu le tort de ne pas organiser leur responsabilité à côté de leur liberté, nous pouvons nous demander si au XVIIIe siècle l’acclimatation de la liberté du travail n’exigeait pas un certain isolement du travailleur, comme un moyen de prévenir les coalitions de l’esprit de corps armé contre les nouveaux concurrents. Autour de Turgot, on se demandait si la liberté du travail était conciliable avec les associations de métiers ; on répondait négativement à la question : et la réponse, inexacte si elle est prise en son sens absolu, peut bien avoir été vraie pour le milieu social où elle était donnée[1].

Quoi qu’il en soit, tous les ennemis du ministre se coalisèrent contre lui. Le Parlement refusa d’enregistrer les édits de février 1776. Vainement le roi tint-il un lit de

    des communautés après paiement de leurs dettes devait être réparti entre les « maîtres actuels desdits corps et communautés » (Édit, art. 15 et 22). Par conséquent les pouvoirs publics évitaient ce qui aurait eu le caractère d’une confiscation comme il en arrive maintenant avec les lois du 1er juillet 1901 et du 7 juillet 1904.

  1. « Ce serait — disait Bigot de Sainte-Croix, alors président aux requêtes du palais à Rouen — retomber dans tous les abus des jurandes que de permettre aux agents d’une même profession d’avoir, entre eux, aucun point de ralliement… La loi doit porter une défense générale et expresse à tous les membres d’une même agrégation de s’assembler entre eux, ni d’élire des gardes ou jurés. » — Sur la suppression des corporations et les abus qui y régnaient, sur l’esprit des ouvriers et les conflits d’alors entre le capital et le travail, voyez des Cilleuls, Histoire et régime de la grande industrie en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, pp. 109 et s., etc. ; — Germain Martin, la Grande industrie en France sous le règne de Louis XV, IIIe partie, ch. iii, § 2 ; — voyez surtout du même auteur les Associations ouvrières au XVIIIe siècle (1700-1792), 1900.