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La thèse générale, c’est que la liberté augmentera le revenu du propriétaire et les ressources du cultivateur, sans augmenter le prix moyen du blé : donc ni les producteurs, ni les consommateurs n’ont à la redouter. Turgot y faisait en même temps des vœux pour la réduction du métayage au profit du fermage[1].

Turgot se consacre treize ans à son Limousin. Mais Louis XVI, en prenant le pouvoir, se hâte de l’appeler auprès de lui. Il lui donne le portefeuille de la marine le 20 juillet 1774, et le contrôle général des finances le 24 août de la même année, en remplacement de l’incapable et malhonnête Terray.

Turgot se met à l’œuvre en se donnant comme programme : « Point de banqueroute ; point d’augmentation d’impôts ; point d’emprunts. Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen : c’est de réduire la dépense au dessous de la recette[2]. »

De ses réformes administratives et économiques, nous détachons au premier rang : l’édit du 13 septembre 1774, pour la liberté du commerce et de la circulation des grains[3] ;

  1. Le métayage, suivant Dupré de Saint-Maur, aurait couvert les 4/7es du territoire. Turgot, en exprimant l’espoir que la prospérité le fera reculer (6e Lettre, édition Guillaumin, t. I, pp. 211-212), ne faisait que constater ou pronostiquer un fait d’une expérience constante : encore à notre époque, c’est le déclin de l’agriculture qui a fait augmenter après 1880 les surfaces soumises au métayage.
  2. Nous recommandons à l’attention de nos ministres, des finances, tels qu’ils se succèdent depuis trente ans, cet admirable début de la lettre de Turgot à Louis XVI : — « Les principes qui dirigeront ma conduite sont ceux-ci : — Point de banqueroute, ni avouée, ni masquée par des réductions forcées ; — point d’emprunts…, parce que tout emprunt diminue toujours le revenu libre ; il nécessite au bout de quelque temps ou la banqueroute ou l’augmentation des impositions. Il ne faut, en temps de paix, se permettre d’emprunter que pour liquider les dettes anciennes ou pour rembourser d’autres emprunts faits à un denier plus onéreux… — Pour remplir ces trois points, il n’y a qu’un moyen, c’est de réduire la dépense au dessous de la recette… Sans cela, le premier coup de canon forcerait l’Etat à la banqueroute… »
  3. « Les négociants — est-il dit dans le préambule de cet édit — par la multitude des capitaux dont ils disposent, par l’étendue de leurs correspondances, par la promptitude et l’exactitude des avis qu’ils reçoivent, par l’économie qu’ils savent mettre dans leurs opérations, par l’usage et l’habitude de