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pour les mêler aux idées économiques qu’il avait développées dans la société de Quesnay et des premiers économistes.

En 1759, Turgot compose son fameux Éloge de Gournay, que Marmontel lui avait demandé pour le Mercure : nul, d’ailleurs, n’était mieux fait pour ce travail que l’homme qui venait d’être l’ami, le confident et le compagnon de voyage de M. de Gournay.

La nomination de Turgot aux fonctions d’intendant du Limousin, en 1761, ouvre une nouvelle période de sa vie. Ce pays était alors ruiné. Le nouvel intendant entreprend d’y réaliser trois réformes d’une haute importance : 1° une meilleure répartition de la taille, très inégalement assise jusque là ; 2° l’amélioration de la viabilité ; 3° la suppression des corvées en nature pour les chemins. Sur ce dernier point, Turgot persuade aux paroisses de faire faire leurs travaux à prix d’argent par des entrepreneurs : il imputera ensuite la dépense sur la taille. Ce procédé avait pour résultat de décharger les paysans et de faire contribuer les citadins, mais non toutefois la noblesse et le clergé, dont l’une remplaçait la taille par le service militaire et dont l’autre s’en rachetait par les « dons volontaires », intermittents et accidentels en principe, mais périodiques et réguliers en fait.

Par malheur, les mauvaises récoltes de 1770 et 1771, avec la disette qui en fut la conséquence, troublèrent l’administration de Turgot. Il maintint énergiquement la liberté du commerce intérieur, que les physiocrates avaient obtenue par l’édit de 1763, et il s’opposa à toute mesure par laquelle les uns voulaient empêcher les grains de sortir de leur ville, ou par laquelle d’autres voulaient obliger les habitants de porter et de vendre immédiatement au marché tout ce qu’ils pouvaient avoir au-delà de leurs besoins personnels. Le malheur des temps inspira même à Turgot des expédients singulièrement autoritaires : ce fut ainsi qu’il mit à la charge des paroisses les pauvres incapables