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théorie de « l’art social », qui est « l’art d’exercer l’autorité et de la perfectionner de plus en plus[1] » ; pareillement, à côté des avances foncières, il introduit la théorie des « avances souveraines » (chemins, canaux, rivières navigables, ponts, ports, etc.), qui sont ce que nous appelons aujourd’hui « l’outillage national »[2] : et quand il se demande si c’est de bras que manque l’agriculture, il rompt brutalement avec l’opinion courante, pour répondre que « les campagnes ont actuellement trop de bras dans presque toute l’Europe », et que « la grandeur des récoltes ne s’estime point du tout par le nombre des ouvriers de culture et par l’assiduité de leur travail…, mais par la grandeur des avances souveraines, foncières et mobilières[3] ». Ici la contradiction avec l’Ami des hommes, de Mirabeau, est on ne peut mieux proclamée.

Nous arrivons ainsi à l’écrivain le plus fécond de toute cette pléiade, Du Pont, dit communément Dupont de Nemours (1739-1817)[4].

Mirabeau et Quesnay avaient remarqué de bonne heure ce jeune homme : « Soignez-le, disait déjà Quesnay, il parlera quand nous ne serons plus. »

Du Pont est dès lors le collaborateur infatigable des maîtres. En 1764, il débute avec son mémoire De l’importation et l’exportation des grains et prépare, en concours avec Turgot, l’édit de liberté que le contrôleur général L’Averdy allait faire

    siocratique » (Op. cit., pp. 59 et 92). Mais Turgot est d’un avis tout à fait opposé : il n’y a donc pas unanimité parmi les physiocrates, puisque Turgot, malgré « ses protestations d’indépendance », doit bien « être rangé bon gré mal gré parmi les disciples de Quesnay » (Ibid., p. 93). Pour Turgot, voyez infra, p. 232.

  1. Op. cit. ch. i, art. vi, pp. 663-664.
  2. Ibid., ch. I, art. VII, pp. 666 et s.
  3. Ibid., ch. iv, art. iv, § 1, pp. 702-704. — Nous ne parlons pas de la différence entre le commerce (vente du producteur aux marchands) et le trafic (revente entre marchands) (Op. cit., ch. v, art ; v, § 1). Ce n’est ici qu’une question de terminologie physiocratique, sauf que les physiocrates réservaient au trafic des anathèmes dont ils se gardaient bien de charger le commerce (comp. Le Trosne, Intérêt social, ch. vi, § 3, éd. Daire, pp. 957 et s.).
  4. Voyez Du Pont de Nemours et l’Ecole physiocratique, par Schelle, 1888.