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paru dans le Journal de l’agriculture sous le pseudonyme de Nisaque[1] — ne fut-il pas recueilli par Dupont dans sa Physiocratie. Quesnay part de cette idée que « l’intérêt est fondé de droit sur le rapport de conformité qu’il a avec le revenu des biens-fonds et avec le gain que procure le commerce de revendeur ». Mais puisque le commerce n’a pas de productivité propre, ses gains sont eux-mêmes en conformité avec le revenu des biens-fonds : par conséquent c’est ce dernier qui doit, « dans l’ordre naturel et dans l’ordre de la justice », dicter le taux de l’intérêt[2] : Ainsi, semble-t-il, l’intérêt de l’argent ne serait légitime que dans les prêts à la production, ou bien — avec les prêts à la consommation — seulement lorsque le préteur aurait pu placer son capital en biens-fonds. On dirait pour ce dernier cas la thèse théologique du lucrum cessans. Pratiquement Quesnay demande que le prince détermine un taux maximum pour empêcher le prêteur « d’abuser des besoins de l’emprunteur » ; et ce taux devrait être revisé au moins tous les dix ans…, sur l’estimation « unanime des notaires du district des villes principales de chaque province… d’après le prix et le revenu des terres[3] ». Cependant cette réglementation ne s’étendrait ni aux opérations entre marchands, ni à l’escompte ordinaire du commerce[4].

À la mort de Mme de Pompadour en 1764, Quesnay était tombé dans une sorte de disgrâce[5]. Il se tourna finalement vers les mathématiques et écrivit ses Recherches sur les vérités géométriques, ce qui fit dire à Turgot que « le soleil s’encroûtait ». Il mourut le 20 décembre 1774.

Quesnay, dans son Essai physique sur l’économie ani-

  1. Journal de l’agriculture, n° de janvier 1766. — Cet article est publié dans les Œuvres, éd. Oncken, pp. 399 et s.
  2. Oncken, loc. cit., p. 401.
  3. Ibid., p. 402.
  4. Ibid., p. 404.
  5. Il avait profité des largesses de la favorite pour acquérir une vaste terre, dans le Nivernais, ce qui le fit seigneur de Beaurepaire, de Glouvet et autres lieux. Ce fait ne donne pas seulement l’origine du nom de son descendant