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couvrement ; bref, comme dit Quesnay, ils coûtent au pays plusieurs fois plus qu’ils ne rapportent au souverain, et si le souverain les élève pour en retirer les sommes nettes dont il a besoin, l’écart va toujours grandissant entre les sommes nettes qu’il perçoit et les sommes brutes arrachées au premier obligé[1]. Voilà encore pourquoi l’élévation du produit net des terres sera si avantageuse : c’est que le souverain pourra lever plus d’impôts[2]. N’y a-t-il pas là, par des arguments tout nouveaux, un écho pour ainsi dire de la correspondance de Colbert avec les intendants, lorsque celui-ci autorisait la sortie des blés pour que les paysans pussent payer la taille au roi[3] ?

Bref, les physiocrates proclament nécessairement arbitraire tout impôt indirect sur les choses « commerçables » et sur les personnes[4] ; ils ne tiennent pour rationnel que l’impôt direct sur les : fonds, impôt proportionnel au produit net moyen de la terre[5]. Mirabeau, après sa conversion à la physiocratie, avait consacré toute sa Théorie de l’impôt (1760) à la démonstration et à l’application de cette thèse. À cet égard, les physiocrates n’étaient pas même d’accord avec Vauban, qui non seulement avait admis des impôts sur d’autres revenus que ceux des biens-fonds et admis en outre des contributions indirectes et des taxes de

  1. Second problème économique (déterminer les effets d’un impôt indirect) et particulièrement pp. 713 et s. de l’éd. Oncken.
  2. Mercier de la Rivière, Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques, éd. Daire, pp. 463 et s.
  3. Supra, pp. 114 et 118.
  4. Mercier de la Rivière, op. cit., pp. 473 et s.
  5. « Les propriétaires, le souverain et toute la nation ont un grand intérêt que l’impôt soit établi en entier sur le revenu des terres immédiatement ; car toute autre imposition serait contre l’ordre naturel, parce qu’elle serait préjudiciable à la reproduction et à l’impôt et que l’impôt retomberait sur, l’impôt même… L’impôt, de quelque manière qu’il soit imposé dans un royaume qui tire sa richesse de son territoire, est toujours payé par les biens fonds. Aussi la forme d’imposition la plus simple, la plus réglée, la plus profitable à l’État et la moins onéreuse aux contribuables, est celle qui est établie proportionnellement au produit net et immédiatement à la source de richesse continuellement renaissante » (Analyse du tableau économique, éd. Oncken, p. 312 ; — Notes sur les maximes générales, ibid., p. 339).