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le froment ne se vendait pas de 15 à 18 livres le setier (de 12 fr. 45 à 14 fr. 90 les 100 kilos)[1].

Il faut tout sacrifier à cette recherche du produit net le plus élevé, et cela non point par égoïsme, mais tout simplement par le sentiment du bien général à procurer.

Par conséquent il ne suffit pas de recommander l’économie dans les frais de culture ; il faut aussi ne pas reculer devant l’emploi de la main-d’œuvre étrangère — les Savoyards, disait Quesnay, s’ils coûtent moins que les Français — car la hausse du produit net fera faire de nouvelles avances à l’agriculture ; partant de là, elle provoquera l’abondance des récoltes et l’accroissement de la population même nationale[2].

Toutefois, par un contraste assez curieux, ces agrariens d’autrefois demandaient à la liberté le relèvement de l’agriculture, tandis que ceux d’aujourd’hui le demandent à la protection. Il est vrai que dans cet intervalle les réglementations n’ont pas moins changé que les situations[3].

La théorie de la productivité exclusive de l’agriculture a entraîné, d’autre part, deux conséquences doctrinales très remarquables, l’une au point de vue de l’impôt, l’autre au point de vue de la liberté du commerce extérieur.

Pour les physiocrates, c’est un axiome que les impôts, quels qu’ils soient, retombent sur l’agriculteur, de même que toute chose utile et toute production procèdent de lui. Par conséquent les impôts indirects doivent être condamnés ; ils entraînent des répercussions indéfinies ; ils nécessitent des armées de fonctionnaires et enchérissent le re-

  1. Voyez les témoignages du temps cités dans Afanassiev, le Commerce des céréales en France au XVIIIe siècle, p. 213 en note. — En 1771, selon l’intendant du Lyonnais, il fallait 18 livres 14 sous pour que l’agriculteur pût « se retrouver » ; et la même année celui du Roussillon voulait 24 livres le setier (eod. loc.).
  2. Dupont, Origine et progrès d’une science nouvelle, § 4 (dans Physiocrates de Daire, pp. 345 et s.) — Item, Mercier de la Rivière, Ordre naturel et essentiel des sociétés politiques (éd. Daire, pp. 460 et s.).
  3. Sur ce contraste apparent, voyez l’Introduction d’Oncken aux Œuvres économiques et philosophiques de Quesnay, pp. X-XI.