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et d’où il sort du métal et des scories », en ajoutant que « si un fonds de terre s’usait, il finirait, au bout d’un certain nombre d’années, par être consommé tout entier[1]. » De là pour les physiocrates la différence entre la production et le gain. L’industriel et le négociant peuvent gagner : mais il n’y a que l’agriculteur qui produit, car la production est une création de matière utile, plutôt qu’une addition d’utilité sur une matière préexistante. Dès le début, la philosophie économique de Quesnay se place sur ce terrain[2]. Tout au plus « les travaux d’industrie contribuent-ils à la population et à l’accroissement des richesses, pourvu qu’ils n’occupent pas des hommes au préjudice de la culture des biens-fonds », car en ce cas ils seraient doublement nuisibles, en préjudiciant tout ensemble à l’enrichissement et au développement de la population[3].

Il y avait beaucoup à répliquer. Rendons même à Quesnay cette singulière justice que, dans le-temps où les physiocrates se réfutaient eux-mêmes pour se donner l’occasion de discuter et pour forcer le public à s’occuper d’eux, lui-même s’est combattu très fortement dans son Mémoire sur les avantages de l’industrie et du commerce et sur la fécondité de la classe prétendue stérile[4]. Là, Quesnay a fort bien établi que « la classe stérile est réellement, la classe productive de la valeur vénale qui donne à ces productions (de la classe agricole) la qualité de richesses » ; et il ajoute non moins justement que « c’est au commerce des transports que la classe des cultivateurs doit, pour la

  1. Lettres à Malthus de J.-B. Say (Œuvres, édition Guillaumin, t. II, pp. 451-452).
  2. Voyez en particulier les Maximes de gouvernement économique (qui sont avec l’article Grains de 1757) et surtout la première maxime (éd. Oncken, p. 233). Ces Maximes de gouvernement économique (au nombre de quatorze ) ne doivent pas être confondues avec les Maximes générales du gouvernement économique d’un royaume agricole (au nombre de trente-six) qui avaient accompagné le Tableau économique (Voir Oncken, pp. 329 et s.).
  3. Ibid., IIe et IIIe maximes (édition Oncken, pp. 234 et 235).
  4. Gazette et Journal de l’agriculture, nos de novembre 1765, sous les initiales M. H. (voyez Oncken, pp. 378 et s.).