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vieille thèse d’Aristote, qui condamnait l’acquisition chrématistique, et à celle de la théologie scolastique, qui bien certainement ne voyait pas de sources de production en dehors de la terre et du travail ? Eh bien, non. Assurément, ce n’est pas devant une autorité péripatéticienne ou théologique que les physiocrates auraient consenti à s’incliner : mais ce n’est pas tout, et leur thèse est bien intrinsèquement différente : car le travail lui-même ne leur apparaît pas comme un agent producteur — « la forme qui produit », disait Cantillon — et leur attention se concentre à tel point sur la nature que les industries de transformation — et non point seulement le commerce — se voient infliger la qualification de stériles, à quoi, jusque là, l’on n’avait point songé.

Cette productivité de l’agriculture, en contraste avec l’improductivité des industries de transformation, revient pour ainsi dire à chaque ligne dans les Maximes de Quesnay[1]. « Que le souverain et la nation, dit-il, ne perdent jamais de vue que la terre est l’unique source des richesses et que c’est l’agriculture qui les multiplie[2]. » L’agriculture doit recevoir nécessairement des avances pour conserver et accroître sa productivité[3] ; et l’État doit encourager ces « dépenses productives », aux dépens des « fortunes pécuniaires[4] ».

Le Tableau économique tracé un an plus tard, en 1758, renferme sur ce sujet la quintessence de la doctrine physiocratique, montrant comment les « dépenses du revenu » circulent sans fin dans la société pour alimenter d’une part les « dépenses stériles relatives à l’industrie » et d’une autre les « dépenses productives relatives à l’agriculture[5] ».

  1. Maximes générales du gouvernement économique d’un royaume agricole et notes sur ces maximes (édition Oncken, p. 329).
  2. Ibid., IIIe maxime.
  3. Ibid., VIe maxime.
  4. Ibid., VIIe, VIIIe, XXIIe, XXIXe et XXXe maximes.
  5. On avait cru longtemps que le Tableau économique était perdu, et on ne le connaissait que par l’Analyse du tableau économique, rédigée probable-