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l’harmonie nécessaire de tous les intérêts. En général, au contraire, on a eu la sagesse de garder la croyance à des lois économiques naturelles, qu’on a cherché depuis lors à mieux connaître et qu’on a vues un peu autres que les « économistes » d’antan n’avaient cru les trouver ; puis on a gardé, dans la pratique contemporaine universelle, la liberté du travail, de la production et des échanges, que les physiocrates avaient puissamment concouru à nous donner.

Deuxième principe. — Productivité de l’agriculture seule.

L’agriculture est la seule industrie qui produit : le travail subséquent transforme sans produire ; aussi les manufacturiers, commerçants, ouvriers quelconques des industries non agricoles composent-ils une classe stérile.

Cantillon avait déjà exprimé, comme une définition qui dominait tout, cette idée que « la terre est la source ou la matière d’où l’on tire la richesse[1] » : mais, avec cela il regardait aussi le travail de l’homme comme la « forme qui produit la richesse ». Ce n’est donc bien que chez les physiocrates que cette idée de la production par la seule agriculture a pris corps et qu’elle est devenue un axiome, base pour ainsi dire de la science tout entière. On peut voir dans cette doctrine une réaction toute naturelle, soit contre les exagérations et les erreurs du système de Law, soit contre l’industrialisme quelque peu exclusif de Colbert[2]. C’était aussi un retour raisonné vers les principes que Sully avait appliqués dans son administration.

N’était-ce point également un retour inconscient à la

    des œkonomischen Liberalismus, Fribourg-en-Brisgau, 1899 (ch. II, § 2, pp. 77 et s.). Toutefois il faut être prévenu que le P. Pesch, qui appartient aux catholiques sociaux et qui est un adversaire décidé de l’économie libérale contemporaine, est naturellement porté à l’injustice à l’égard des physiocrates.

  1. Essai sur la nature du commerce en général, 1. I, ch. I. — "Voir plus haut, p. 156.
  2. Cette cause est présentée par Adam Smith, Richesse des nations, 1. IV, ch. IX (édition Guillaumin, t. II, pp. 309 et s.).