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Révolution, tous les physiocrates étaient morts ou tombés dans le discrédit, sauf Dupont et Morellet.

L’influence de l’école physiocratique n’en avait pas moins été immense et elle survécut à la popularité de ses fondateurs, quelque inconscients qu’en fussent les hommes qui subissaient ces idées.

On doit aux physiocrates le mouvement sincèrement libéral qui caractérise les brillantes années du début de Louis XVI, éclairées par les victoires de la guerre de l’Indépendance ; on leur doit la liberté du commerce et du transport des céréales ; on leur doit enfin la suppression légale des corporations, qui, depuis le milieu du XVIIe siècle, n’avaient plus qu’une vie toute factice. Ce qu’il y a de bon dans l’œuvre fiscale de la Constituante est dû tout entier aux physiocrates. Ils ont sans doute semé plus d’idées qu’ils n’en ont vu germer et lever ; mais il leur restera toujours la gloire d’avoir montré dans la liberté économique le fondement de la productivité et de la prospérité générale. J.-B. Say, notamment, et Frédéric Bastiat sont de ceux qui leur ont fait le plus d’emprunts, sans se l’avouer peut-être à eux-mêmes : et l’un des derniers historiens de la physiocratie, Oncken, est allé jusqu’à dire « qu’aujourd’hui encore le système physiocratique attend sa réfutation scientifique[1] ». C’est cependant aller bien loin dans l’éloge, comme si l’on pouvait oublier que les physiocrates ont joint au mérite de défendre et d’honorer l’agriculture le tort de croire qu’il ne puisse pas y avoir de production dans les autres industries.

Ajoutons pour terminer, que le « principe économique », véritable postulatum de toute la science, est une formule de Quesnay : « Obtenir, avait-il dit, la plus grande jouissance possible avec le moins d’efforts possibles, c’est la perfection de la conduite économique. »

  1. Oncken, Œuvres de Quesnay, introduction, p. xix.