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chiffres empruntés à la statistique anglaise. L’argument peut-être était habile : en tout cas, Herbert, parmi les physiocrates, professe là une opinion qui lui est tout à fait personnelle et que pas un autre auteur ne semble partager. Il réussit au moins à faire sensation, et un arrêt du Conseil du 17 septembre 1754 accorda la libre circulation entre les provinces.

Nous citerons plus loin les publications de plus en plus nombreuses et fréquentes de l’école — de la « secte », comme disaient ses adversaires : — mais nous reprenons rapidement ici les résultats de la campagne de réforme qu’elle poursuivait.

L’arrivée de Bertin au contrôle des finances, en 1759, était de bon augure pour les réformateurs[1]. Bertin, ancien intendant à Lyon, était un partisan convaincu de la liberté du commerce des grains. En 1760, il envoie une circulaire aux intendants pour leur demander de favoriser et de provoquer la fondation des Sociétés d’agriculture[2]. Enfin il rédige la fameuse déclaration du 25 mai 1763, qui ouvre véritablement une ère nouvelle. Elle rompt nettement avec l’ancienne doctrine de la nécessité de la réglementation, et elle proclame que « rien n’est plus propre à arrêter les inconvénients du monopole qu’une concurrence libre et entière dans le commerce des denrées alimentaires ». Bertin rétablit ainsi la double liberté du commerce des blés et de leur transport à l’intérieur, avec exemption de tous droits, même de ceux de péage. Il laisse toutefois subsister : 1° les règlements sur l’approvisionnement de Paris ; 2° les droits de marché ; 3° les réglemen-

  1. Voici, pour plus de clarté historique, la suite des contrôleurs généraux au XVIIIe siècle : 1730, Philibert Orry ; — 1745, de Machault ; — 1754, Moreau de Séchelles ; — 1756, Peirenc de Moras ; — 1757, de Boullogne ; — 1759, de Silhouette ; — 1759, Bertin ; — 1763, L’Averdy ; — 1768, Maynon d’Invau ; — 1769, Terray ; — 1774-1776, Turgot. — Sur l’histoire financière de la France au XVIIIe siècle, voir Vührer, Histoire de la dette publique en France, 1886, t. I.
  2. À citer les Sociétés d’agriculture de Bretagne et de Limoges, fondées en 1759, celle de Tours, en 1761, celles d’Orléans, de Lyon, etc.