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À l’intérieur de la France, la circulation des grains n’était pas affranchie des droits divers qui grevaient les marchandises en général et en particulier des droits qui étaient perçus ; soit à l’entrée des cinq grosses fermes, soit aux frontières de chaque province réputée étrangère. Momentanément l’arrêt du Conseil du 21 août 1703 permit bien la circulation en franchise dans tout le royaume : mais ce ne fut que passager, et après diverses interruptions la franchise disparut finalement avec l’arrêt du Conseil du 26 octobre 1740. Bien plus, dans les périodes de cherté le transport d’une province à l’autre était absolument interdit, soit par des arrêts des Parlements, soit par l’autorité des intendants.

Partant de cette idée que c’est l’abondance, et non la production, que l’on doit encourager, aucune mesure n’était prise contre l’importation des céréales étrangères.

En revanche, les exportations étaient ordinairement interdites, sauf des licences que les exportateurs payaient fort cher. François Ier, par l’ordonnance de novembre 1539, abrogea toutes les autorisations ou interdictions, privées, et prohiba l’exportation, sauf autorisation du roi ; François II, en 1559, établit un bureau de huit commissaires pour accorder ou refuser les sorties, suivant l’état du marché ; et Charles IX, en 1571, déclara que cette « faculté et puissance d’octroyer des congés et permissions pour le transport des grains hors le royaume est de droit royal et du domaine de la couronne, incommunicable à quelque personne que ce soit[1] ». Sully, protecteur de l’agriculture, obtint, il est vrai, des adoucissements à ce système ; mais la politique industrielle de Colbert ramena dans toute sa force le régime des interdictions. Les autorisations d’exporter n’étaient que temporaires, données pour trois mois ou six mois selon l’état de la récolte, et rarement

  1. C’est l’ordonnance sur laquelle nous nous sommes expliqué plus haut (p. 117).