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apparemment qu’employer un mot déjà usité au moins dans une école.

Les doctrines physiocratiques ont apparu et se sont développées un peu après 1750. Montesquieu, dont l’Esprit des lois parut en 1748, ne contribua pas peu à accréditer l’idée de lois économiques[1]. Il proclamait, dans l’ordre moral comme dans tout autre ordre, l’existence de lois naturelles qui ne sont autres que les rapports dérivant de la nature des choses. Du reste, il n’approfondissait pas ce principe sous l’aspect qui seul nous intéresse, et il se bornait à disséminer çà et là des idées économiques, aussi souvent inexactes que dangereuses. On connaît ses vœux en faveur des lois somptuaires[2] et des impôts indirects[3], ses réflexions sur l’usage de la monnaie[4] et l’influence des climats[5].

C’est ce qu’il y a, à cet égard, de plus judicieux dans tout l’ouvrage. Pour le surplus, Montesquieu n’est ni un mercantiliste comme il aurait pu l’être, ni un libéral comme le seront Quesnay et Turgot : mais il encourage le socialisme d’État, en assignant à l’État le rôle de nourrir et de vêtir les citoyens[6], et il n’est pas loin de trahir la

    désigner quelque chose de bien connu ; elle n’avait pas même l’apparence sonore, d’un néologisme, et l’on peut croire que le mot existait déjà dans le cercle des amis de Quesnay, qui lui-même donnait volontiers à ses articles des épigraphes ou des citations soit latines, soit surtout grecques (Voyez Oncken, op. cit., p. 697 en note).

  1. « L’époque — dit Dupont de Nemours — de l’ébranlement général qui a déterminé les esprits à s’appliquer à l’étude de l’économie politique, remonte jusqu’à M. de Montesquieu » (Dupont, Notice abrégée, dans les Éphémérides, 1769).
  2. Esprit des lois, I. VII, ch. v.
  3. Ibid., 1. XIII, ch. xiv.
  4. Ibid., 1. XXII.
  5. Ibid., 1. XVI.
  6. « Quelques aumônes que l’on fait à un homme nu dans les rues, ne remplissent point les obligations de l’État, qui doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable et un genre dévie qui ne soit point contraire à sa santé » (Ibid., 1. XXIII, ch. xxix). — « Les richesses particulières n’ont augmenté que parce qu’elles ont ôté à une partie des citoyens le nécessaire physique : il faut donc qu’il leur soit rendu » (Ibid., 1. VII, ch. iv). Montesquieu, dans ce passage, croyait donc seulement aux