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apprécier[1]. C’est ce que l’on a tenté d’appeler le melonisme[2].

Il introduit surtout une idée nouvelle qui contribuera à résoudre une contradiction. D’une part, en effet, le mercantilisme se propose d’accroître dans l’État les existences d’or et d’argent ; or, d’autre part, d’après la théorie quantitative de la monnaie, pour laquelle tenaient tous les mercantilistes, la hausse des prix doit suivre les introductions de métaux précieux. Qu’est-ce donc que l’on aura gagné à en avoir davantage ? Heureusement, faut-il répondre, l’abondance de la monnaie stimule les activités économiques, et il leur faut désormais en plus grande quantité la monnaie, qui est le « gage des échanges[3] ». On sent percer là quelque chose des idées de Law sur le crédit facteur de la richesse.

Quatre ans plus tard Dutot, ex-premier commis de Law[4], donna ses Réflexions politiques sur les finances et le commerce, « où l’on examine — est-il dit en sous-titre — quels ont été les revenus, les denrées, le change étranger et conséquemment sur notre commerce les influences des augmentations et des diminutions des valeurs numéraires des monnaies ». Dutot se proposait de redresser sur certains points l’Essai politique sur le commerce de Melon. Tout en faisant l’apologie du système de Law, qui aurait eu « des avantages réels s’il avait été suivi[5] », Dutot a des

  1. « Pour connaître, dit-il, si des lois nouvelles sont contraires à la liberté du commerce, il ne faut point examiner si les négociants ou les ouvriers en sont fatigués : ce n’est pas pour eux qu’elles sont faites. Il faut examiner s’il s’en suivra une meilleure vente au producteur de la denrée, ou des achats moins chers et plus assurés pour les besoins des citoyens. Ces deux conditions étant remplies, alors le négociant et l’ouvrier ne sauraient être trop favorisés, ni avoir trop de facilités dans toutes leurs entreprises » (Op. cit., ch. XI).
  2. Dubois, Précis de l’histoire des doctrines économiques, t.1, pp. 252, 282. — M. Dubois écrit constamment Melon et mélonisme.
  3. Melon, Essai politique sur le commerce, ch. XVII, dans l’édition Guillaumin, p. 773.
  4. On ne sait absolument rien sur la biographie, ni même sur le pays d’origine de Dutot.
  5. Avertissement de l’auteur, en tête des Réflexions politiques.