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et la Moscovie étaient classées comme pays hors d’Europe. Toutefois, comme les pays extra-européens ne possédaient pas alors de marine, cette dernière partie de l’acte de navigation n’avait pas une portée pratique sérieuse.

Les États-Unis, après la guerre de l’Indépendance et le traité de Versailles, auraient vu les ports d’Angleterre fermés à leurs navires, si l’Angleterre ne leur avait pas alors accordé de les traiter comme pays d’Europe, soumis seulement à la surtaxe du pavillon de la puissance. La guerre qu’ils eurent ensuite avec l’Angleterre, et qui se termina en 1815, fut suivie d’un traité de navigation sur la base de la réciprocité des conventions. D’autres traités intervinrent avec d’autres États ; la politique libérale d’Huskisson encourageait ce mouvement, et les derniers restes de l’acte de navigation disparurent en 1849.

L’acte de navigation a obtenu la haute approbation d’Adam Smith[1], et dans des termes tout à fait équivalents à ceux que Child avait employés[2]. Ce qui ne pourrait être nié, c’est qu’il contribua puissamment au développement de la marine anglaise et qu’il ruina la marine hollandaise avec d’autant plus de facilité que la Hollande, jusque là, avait transporté beaucoup plus qu’elle n’avait fabriqué. Mais tous ces heureux résultats n’allaient point sans des mesures de représailles que la politique anglaise inspirait forcément aux autres États.

En tout cas l’historien, s’il est impartial, est bien obligé de constater que l’Angleterre, avant de présenter au monde le libre-échange comme un axiome d’une application universelle, avait fondé tout d’abord sa puissance industrielle et commerciale sur le protectionnisme le plus intransigeant et le plus étroit.

  1. Richesse des nations, 1. IV, ch. II, éd. Guillaumin, t. II, p. 49. — C’est ainsi du moins que tout le monde traduit ce passage d’Adam Smith. Nous citerons plus loin le sens tout différent que Bastable donne de ces lignes.
  2. Child l’appelle « une des plus prudentes et des plus excellentes lois qui aient été jamais faites en Angleterre » (Brief observations conceming trade, tr. fr., 1754, p. 238).