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Son idéal fut donc une industrie nationale protégée et réglementée, pour que le peuple fût actif, pour que l’agriculture bénéficiât du voisinage de cette industrie florissante, et que l’une et l’autre, enrichies et prospères, pussent mieux payer les impôts dans une France où l’étranger aurait envoyé son or. Le mercantilisme dont Colbert fat la plus brillante expression et qui allait trouver un partisan convaincu dans le maréchal de Vauban, impliquait ainsi la défense d’exporter des métaux précieux, le développement de l’exploitation des mines d’or et d’argent, les obstacles à l’importation des produits étrangers, la protection du commerce d’exportation au moyen de Compagnies ; de traités et même de guerres de commerce, le devoir de l’État de susciter, de guider et de soutenir les industries qui pouvaient, en exportant leurs produits, attire, dans le pays l’or et l’argent des autres peuples : en un mot, l’émancipation économique de la nation et l’écrasement systématique des États concurrents.

De là les faveurs accordées aux ouvriers étrangers qui seraient venus apporter leur art en France, et de là les sévérités outrées contre les Français qui auraient porté le leur à l’étranger[1].

De là surtout l’élévation des tarifs contre les importations étrangères. Sur ce point cependant, il semble que Colbert n’ait pas été toujours le prohibitionniste étroit que nous voyons en lui à dater des premières difficultés soulevées avec la Hollande. Sans lui attribuer précisément un mémoire de 1651, dont l’origine est douteuse et qui rappellerait à s’y méprendre certaines idées de Bodin[2], il est cer-

  1. Clément, Histoire de Colbert, t. I, p. 308.
  2. « La Providence, y est-il dit, a posé la France en telle situation que sa propre fertilité lui paraît inutile et souvent à charge et incommode, sans le bénéfice du commerce, qui porte d’une province à l’autre et chez les étrangers ce dont les uns et les autres peuvent avoir besoin, pour en attirer à soi toute l’utilité » (Voyez Clément, op. cit., t. I, p. 280). — Comparez Germain Martin, la Grande industrie sous le règne de Louis XIV, p. 229 — « Colbert, a dit Blanqui, n’est pas partisan du système protecteur dans les pre-