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l’agriculture est d’ailleurs, suivant la judicieuse remarque de Roscher, un des traits caractéristiques des théories mercantilistes. L’agriculture n’est susceptible que de progrès lents et presque insensibles ; ce n’est pas en quelques années que les impôts levés sur elle auront pu remplir le trésor royal. Les mercantilistes, cherchant à augmenter le commerce extérieur et surtout le commerce d’exportation, espéraient trouver en lui une élasticité plus grande et surtout plus rapide, parce que c’est sur la production industrielle que l’action de l’État devait pouvoir s’exercer ; plus facilement et d’une manière plus efficace. Colbert, un peu plus tard, ne s’écartera pas de cette conception.

Le Traité d’économie politique de Montchrétien de Vatteville révèle un notable progrès, bien que l’auteur ait dû la plus grande partie de sa renommée à l’heureuse fortune qu’il eut d’inventer ce mot d’économie politique, réservé à de si hautes destinées[1].

Antoine Mauchrétien, né en 1575 ou 1576, fils d’un apothicaire de Falaise, débuta dans la littérature avec autant d’ardeur que de succès : il s’y annonça à vingt ans par une tragédie de Sophonisbe, suivie de plusieurs autres, dont une Marie Stuart où se rencontrent de fort belles scènes ; il fit des bergeries et des sonnets ; puis, une fois lancé dans la haute société de Caen, il se fit annoblir pour devenir le Montchrétien de Vatteville que l’on connaît[2]. À la suite d’un duel dans lequel il tua son adversaire, il fut obligé de se réfugier en Angleterre en 1605, jusqu’à ce que les sollicitations de Jacques Ier, roi d’Angleterre, l’eussent fait gracier par Henri IV. Il était parti poète ; il revint homme d’affaires. On le retrouve fabricant de coutellerie et de quincaillerie à Ousonne d’abord, puis à Châtillon--

  1. Montchrestien, longtemps oublié et même injustement discrédité, a été remis en lumière et popularisé de nouveau par M. Funck-Brentano, qui l’a réédité avec une introduction et des notes (Paris, 1889). Mais M. Funck-Brentano en a supprimé « tous les passages, dit-il, sans rapport avec le sujet » (p. 21). Ce n’est donc pas du Montchrétien original et complet.
  2. Ce nom est diversement écrit.