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du XVIe siècle trouve au développement que cette fabrique pourrait prendre[1]. La brochure est peut-être de Laffémas de Humont, qu’Henri IV, en 1600, nomma contrôleur général du commerce : Laffémas, en tout cas, dans son « Règlement général » de 1597, n’hésite pas à dénoncer le commerce international comme la cause de la pauvreté du royaume[2]. Il n’est pas même à dire que Bodin ait été exempt de tort préjugé mercantiliste[3]. En tout cas, l’Anglais William Stafford ou plutôt John Hales, dont Stafford, en 1581, reproduit les idées déjà vieilles d’une génération, professe un mercantilisme certainement assez étroit[4].

D’ailleurs, le mercantilisme fondé, comme d’ordinaire nous le croyons, sur l’axiome que monnaie vaut richesse et que les existences de monnaie dans un pays se constituent ou s’accroissent par les excédents d’exportations, avait en ces temps là une excuse qui plus tard lui a été enlevée. Les impôts rentraient jadis fort mal, le crédit n’était pas encore organisé, et ceux-là même qui possédaient de grands biens trouvaient difficilement de l’argent comptant[5]. Il faut voir comment Botero, dont le livre avait

  1. La brochure est ainsi intitulée : « Moyens pour monstrer que des maintenant les Français se peuvent passer des manufactures dor, dargent et de soye étrangères et de leurs soyes crues et greges au bout de douze ou quinze ans, et par ce moyen empescher le transport de plus de douze millions de livres hors du royaume et attirer en iceluy la plus liquide richesse de l’Italie, partie de celle de l’Espagne et du Levant. »
  2. « Jugez s’il vous plaist, dit Laffémas, ce qu’est la douane qu’a establie le duc de Savoie a la Suze, aux frontières de son pays, qui luy vaut tous les ans grand nombre de deniers, a cause des draps de soye, toilles dor et dargent et autres telles marchandises qui viennent a Lyon ; je vous laisse a penser s’ils apportent les deniers d’Italie pour payer ladite somme et si ce ne sont pas des deniers clairs de la France. Et par l’industrie de ceux qui ont envoyé si grand nombre de draps de soye manufacturez en France, ils ont fait un grand service aux ennemis du Roy et de l’Etat, car ils ont tire les thresors hors de France, que l’on dit estre le nerf de la guerre. Voila pourquoy le Roy et son peuple sont dénués de tous moyens » (Cité par Godart, op. cit., p. 34).
  3. « L’abondance d’or et d’argent, disait-il, est richesse d’un pays » (Réponse à M. de Malestroit, p. 59).
  4. Publié à nouveau en 1893 sous le titre : A discourse on the Common Weal of this Realm of England (voyez Schatz, op. cit., pp. 17, 19 et s.).
  5. De même saint Thomas, dans le De regimine principum (I. II, ch. VII), avait recommandé au prince d’avoir une caisse toujours bien remplie d’or et