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trine. On disserte peu, mais on agit ; et l’on agit comme si la certitude des axiomes sous-entendus dispensait de les exposer et de les démontrer. Ces axiomes, c’est que l’or et l’argent sont la richesse par excellence ; c’est que le souverain doit s’attacher à en accroître l’existence dans son royaume ; c’est enfin qu’on les y fera affluer par les ventes à l’extérieur et le bas prix de la production à l’intérieur. Au besoin, des lois somptuaires empêcheront l’appauvrissement des nationaux, en même temps que les exportations de métaux précieux seront directement interdites. Suivant les périodes et les hommes, ce sera à l’agriculture, ou au commerce, ou plus habituellement encore à l’industrie manufacturière que l’on s’adressera pour constituer par eux le trésor ou stock métallique national[1]. Les mêmes principes inspireront les gouvernements dans les relations avec les colonies, et c’est de là que naîtra le pacte colonial.

Nous avons vu Bodin, qui est l’expression de la doctrine la plus libérale de son temps. Revenons un peu en arrière et glanons quelques faits.

Les mesures que l’on prenait alors pour développer la richesse ne visaient point le travail à encourager, mais bien tout simplement l’or et l’argent à retenir où à attirer. L’aveu en est fait aussi crûment que possible, par exemple, dans l’édit du 23 novembre 1466, par lequel Louis XI instituait la « fabrique de Lyon[2] ».

Plus d’un siècle plus tard, c’est aussi le seul avantage ou à peu près le seul qu’une brochure anonyme de la fin

  1. Sur la distinction du mercantilisme ou agricole ou manufacturier ou commercial, voyez Schatz, Individualisme économique, 1907, pp. 17 et s. — Dubois distingue : 1° les bullionnistes ; 2° les industrialistes (Colbert, etc.) ; 3° un bullionniste agrarien (Sully) ; 4° l’école de la balance du commerce (Mun, etc.)(Dubois, Précis de l’histoire des doctrines économiques, 1.1, p. 225).
  2. Édit de Louis XI du 23 novembre 1466 créant la Fabrique de Lyon : « Comme Nous considérons là grant vuidange dor et dargent que chacun an se fait de nostre royaume es moyen et occasion des draps dor et de soye, qui sont débitez et exploictez en nostre dict royaume en diverses manières, qui peut monter par chacun an ainsi que remonstre nous a este a la somme de quatre a cinq cent mille escus Ou environ… » (Voyez Justin Sodart, l’Ouvrier en soie, 1re partie, Lyon, 1899, p. 4).