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mesure, et il y avait encore quelque originalité à l’être, après que Montaigne — jugeant d’ailleurs en cela comme Voltaire jugera plus tard — avait écrit que « le proufit de l’un est dommaige de l’aultre et que le marchand ne faite bien ses affaires qu’a la desbauche de la jeunesse, le laboureur a la cherté des bleds[1] ».

À l’intérieur, Bodin — comme les États d’Orléans de 1560 — demande la liberté du travail et du commerce. Convaincu que la coalition des artisans est une cause artificielle de l’élévation des prix, il va jusqu’à proposer la suppression des confréries elles-mêmes[2].

Il tient également pour la liberté des cultures, contre ceux qui « veulent qu’on arrache les vignes pour mettre tout en blé[3] ».

Dans sa Réponse au sieur de Malestroit, il affirme sa croyance à l’utilité du commerce international, « quand ce ne serait que pour communiquer (avec les étrangers) et entretenir une bonne amitié entre eux et nous » ; bien plus, s’élevant ici à de plus hauts horizons, il croit que Dieu en a voulu ainsi et qu’il y a « donné ordre par sa prudence admirable : car il y a, dit Bodin, tellement départi ses grâces qu’il n’y a pays au monde si plantureux qui n’ait faute de beaucoup de choses[4]. » Aussi Bodin veut-il même la liberté d’exportation, par cette haute raison économique que « ce qui entre en lieu de ce qui sort cause le bon marché de ce qui défaillait[5] ». Ne croit-on pas entendre déjà la théorie des débouchés, que J.-B. Say, cependant, ne développera que deux siècles plus tard ? Il est vrai que Bodin réserve la sortie des blés, dont il voudrait punir l’accaparement et pour lesquels il recommande des greniers d’abondance où les stocks seraient renouvelés chaque an-

  1. Montaigne, Essais, 1. I, ch. XXI.
  2. Bodin, Réponse, p. 51 recto.
  3. Ibid., p. 61 recto.
  4. Ibid., p. 59 verso et p. 60 recto.
  5. Ibid., p. 60 verso.