Les pages consacrées à la monnaie sont actuellement pour nous parmi les plus intéressantes.
En 1566, M. de Malestroit, conseiller du roi et maître des comptes « pour le fait des monnoies », avait adressé au roi ses observations sous le nom de Paradoxes[1]. Contrairement à l’opinion reçue alors, il soutenait que rien n’était enchéri en France depuis trois cents ans, et que le sentiment contraire qui avait cours ne venait que de l’amenuisement des monnaies. Ainsi selon lui, si un muid de vin de qualité moyenne, qui avait valu autrefois 4 livres en année commune, en valait 12 de son temps, c’était tout simplement parce que les changements survenus dans l’Intervalle avaient eu pour résultat de ne mettre ni plus ni moins d’or ou d’argent dans les douze livres que dans les quatre[2].
C’est pour réfuter ces assertions que Bodin écrit en 1568 sa Réponse aux paradoxes de M. de Malestroit touchant renchérissement de toutes choses et la monnaie[3]. Il assigne immédiatement à ce phénomène « quatre ou cinq causes », qui sont les suivantes selon lui : 1° « l’abondance d’or et d’argent » — c’est « la principale et presque seule, dit-il, (que personne jusques ici n’a touchée) » ; 2° les « monopoles » ; 3° la « disette qui est causée, tant par la traite (exportation des marchandises) que par le dégât » ; 4° « le plaisir des rois et grands seigneurs, qui haussent le prix des choses qu’ils aiment » ; 5° « le prix des monnaies, qui est ravalé de son ancienne estimation » — et ici, si Bodin se retrouve d’accord avec Malestroit, ce n’est assurément que dans une bien légère mesure[4].
- ↑ Voir les deux Paradoxes de M. de Malestroit à la suite de l’Apologie de René Herpin pour la République et de la Réponse de Bodin aux Paradoxes, édition de 1599, pp. 77 et s.
- ↑ Op. cit., p. 77 verso.
- ↑ Il y avait eu d’abord deux écrits : la Réponse au paradoxe de M. de Malestroit touchant l’enchérissement de toutes choses et le fait des monnaies, puis le Discours sur le rehaussement elle fait des monnaies pour répondre au discours de M. de Malestroit. Bodin les réunit lui-même en un seul ouvrage.
- ↑ Réponse, pp. 46 verso et 47 recto.