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maisons, à nos richesses, à nos épouses, à nos fils mêmes, asseyons-nous dans un jeûne opiniâtre jusqu’à en mourir. Ne laissons pas au roi de châtier notre retour après le temps écoulé ; mieux vaut mourir ici volontairement que subir là une mort indigne de nous ! Celui par qui je fus sacré comme l’héritier de la couronne, ce n’est point Sougrîva ; non ! c’est Râma, l’Indra des hommes, si versé dans la science du « connais-toi toi-même. » Le roi porte liée à son cou une vieille inimitié contre moi, et, voyant ce retard, il m’infligera un rigoureux supplice pour la faute de revenir après une trop longue attente. Que me serviront mes amis, quand ils verront mon infortune couper le fil de ma vie ? Mieux vaut ici m’ensevelir dans le jeûne sur le délicieux rivage de cette mer ! » À ces mots, que le prince héréditaire avait prononcés d’un ton lamentable, tous les plus distingués des quadrumanes tinrent alors ce langage : « Sougrîva est d’un naturel sévère, il veut plaire à son allié Râma ; quand il nous verra de retour, après le terme fixé, n’ayant point accompli notre mission, n’ayant pas vu Sîtâ, il est certain qu’il nous punira de mort dans son désir empressé de faire une chose qui soit agréable à Râma. Les rois ne pardonnent pas les fautes dans les princes du peuple, et nous sommes des chefs qu’il a mis dans sa plus haute estime. Puisque la chose en est venue à de telles extrémités, il vaut donc mieux nous laisser mourir de faim ! »

Quand ils eurent écouté les paroles du fils de Bâli, ces nobles simiens alors de toucher l’eau et de s’asseoir tous à l’orient. Décidés à le suivre dans la mort, tous, la face regardant le septentrion, ils s’assirent par terre sur des kouças, la pointe des herbes courbée au midi.