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périeures en beauté ; mais, devenu l’esclave de l’amour, tu n’as point compris cela.

« La Mithilienne va donc maintenant se promener joyeuse avec Râma, tandis que moi, infortunée, je suis tombée dans une mer épouvantable de chagrins ! moi, qui m’enivrai de plaisir, accompagnée par toi sur le Kêlâsa, dans le Nandana, sur le Mérou, dans les bocages du Tchaîtraratha et dans les jardins suaves des Dieux !

« La voilà donc, hélas ! venue, cette nuit suprême de moi, cette nuit qui fait mon veuvage et que je n’ai jamais prévue telle, insensée que j’étais ! Mon père est le souverain des Dânavas, mon époux était le monarque des Rakshasas, et j’avais pour fils Çatrounirdjétri ; aussi étais-je fière ! Mais aujourd’hui je n’ai plus de famille, j’ai perdu en toi mon protecteur et je vais passer dans la tristesse mes éternelles années !

« Lève-toi, sire ! Pourquoi es-tu couché là ? Pourquoi ne me dis-tu pas une parole, à moi, ton épouse chérie ? Honore en moi, noctivague aux longs bras, la mère de ton fils !

« La voici donc rompue en morceaux cette lance avec laquelle tu immolais tes ennemis dans les combats, cette lance brillante comme le soleil et semblable à la foudre même du Dieu qui manie le tonnerre ! Tranchée à coups de flèches, les tronçons de ta massue jonchent la terre de tous côtés, cette massue à la vigueur infinie, armé de laquelle, héros, tu brillais naguère ! Honte soit à mon cœur qui, écrasé par le chagrin, n’éclate pas en mille parties quand je te vois là descendu au tombeau ! »

Elle dit ; et gémissant ainsi, les yeux troublés de larmes et le cœur assailli par l’amour, la reine tomba dans un triste évanouissement.