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abandonnée par le très-magnanime Vaçishtha, car il souffre que les soldats du roi m’entraînent plaintive et saisie de la plus amère douleur ? Est-ce que j’ai commis une offense à l’égard de ce maharshi, abîmé dans la contemplation, puisque cet homme si juste m’abandonne, moi innocente, sa compagne bien-aimée et sa dévouée servante ? »

« Après ces réflexions, fils de Raghou, et quand elle eut encore soupiré mainte et mainte fois, elle retourna avec impétuosité à l’ermitage de Vaçishtha ; et, malgré tous les serviteurs du roi, mis en fuite devant elle par centaines et par milliers, elle vint, rapide comme le vent, se réfugier sous les pieds du grand anachorète.

« Arrivée là, pleurant de chagrin, elle se mit en face du solitaire, et, poussant un plaintif mugissement, elle tint à Vaçishtha ce langage : « M’as-tu donc abandonnée, bienheureux fils de Brahma, que ces soudoyers du roi m’entraînent ainsi loin de ta vue ? »

« À ces paroles de sa vache malheureuse, au cœur tout consumé de tristesse, le saint brahme lui répondit en ces termes, comme à une sœur : « Je ne t’ai point abandonnée, Çabalâ, et tu n’as point commis d’offense contre moi : non ! c’est malgré moi qu’il t’emmène, ce roi à la force puissante ! En effet, je ne crois pas que l’on puisse trouver une force égale à celle d’un roi, surtout parmi les brahmes : celui-ci est puissant, il est kshatrya de race, il est même le maître de toute la terre. Ce que tu vois est une armée complète, où s’agitent d’un mouvement inquiet les chars, les coursiers, les éléphants ; car il est venu environné d’une force supérieure à la mienne par ses fantassins, ses drapeaux et ses grandes multitudes d’hommes ! »