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prit sottement pour la vérité même ce qui était une plaisanterie. Aussi courut-elle une seconde fois vers ce Daçarathide à la grande splendeur, assis avec Sîtâ ; et, folle d’amour, elle dit ces mots à l’invincible : « J’ai pour toi de l’amour, et c’est toi que j’ai vu même avant ton frère : sois donc mon époux un long temps ! Que t’importe cette Sîtâ ? »

Alors, avec des yeux semblables à deux tisons allumés, elle fondit sur la Vidéhaine, qui la regardait avec ses yeux doux, comme ceux du faon de la gazelle : on eût dit un grand météore de feu qui se rue dans le ciel contre la belle étoile Rohinî. Aussitôt que Râma vit la Rakshasî lancée comme le nœud coulant de la mort, il arrêta la furie dans sa course, et ce héros à la grande force dit avec colère à Lakshmana : « Fils de Soumitrâ, il ne faut pas jouer d’aucune manière avec des gens féroces et bien méchants : vois, bel ami ! c’est avec peine si ma chère Vidéhaine échappe à la mort ! Chasse à l’instant cette Rakshasî difforme, au gros ventre, infâme dans sa conduite et folle au plus haut degré. »

À ces mots, Lakshmana, dans sa colère, empoigna la méchante fée sous les yeux mêmes de Râma, et, tirant son épée, lui coupa le nez et les oreilles. Ainsi mutilée dans son visage, la féroce Çoûrpanakhâ remplit tout de ses cris et s’enfuit d’un vol rapide au fond du bois, comme elle était venue.

Ainsi défigurée, elle vint trouver son frère, ce Khara, à la force terrible, qui avait envahi le Djanasthâna, et tomba sur la terre au milieu des Rakshasas, dont il était environné, comme la foudre même tombe du haut des cieux.