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pas confessée d’un mouvement spontané, ton peuple même en eût porté le châtiment et je l’eusse consumé par le feu d’une malédiction ! Kshatrya, si, connaissant d’avance sa qualité, tu avais commis un homicide sur un solitaire des bois, ce crime eût bientôt précipité Brahma de son trône, où cependant, il est fermement assis. Dans ta famille, ô le plus vil des hommes, le paradis fermerait ses portes à sept de tes descendants et sept de tes ancêtres, si tu avais tué un ermite, sachant bien ce que tu faisais. Mais comme tu as frappé celui-ci à ton insu, c’est pour cela que tu n’as point cessé d’être : en effet, dans l’autre cas, la race entière des Raghouides n’existerait déjà plus ; tant il s’en faudrait que tu vécusses toi-même !

« Allons, cruel ! conduis-moi vite au lieu où ta flèche a tué cet enfant, où tu as brisé le bâton d’aveugle qui servait à guider ma cécité ! J’aspire à toucher mon enfant jeté mort sur la terre, si toutefois je vis encore au moment de toucher mon fils pour la dernière fois ! Je veux toucher maintenant avec mon épouse le corps de mon fils baigné de sang, le djatâ dénoué et les cheveux épars, ce corps, dont l’âme est tombée sous le sceptre d’Yama. »

« Alors, seul, je conduisis les deux aveugles, profondément affligés, à ce lieu funèbre, où je fis toucher à l’anachorète, comme à son épouse, le corps gisant de leur fils. Impuissants à soutenir le poids de ce chagrin, à peine ont-ils porté la main sur lui que, poussant l’un et l’autre un cri de douleur, ils se laissent tomber sur leur fils étendu par terre. La mère, léchant même de sa langue ce pâle visage de son enfant, se mit à gémir de la manière la plus touchante, comme une tendre vache à qui l’on vient d’arracher son jeune veau :

« Yadjnyadatta, ne te suis-je pas, disait-elle, plus chère