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ignoble, mon ennemie, goûte donc, hélas ! ce bonheur, Kêkéyî, de voir ton époux mort et Râma, ce fier éléphant des hommes, banni dans un bois !

« Cruel, moi ! âme méchante, esclave d’une femme, est-ce là se montrer père à l’égard d’un fils si magnanime et doué même de toutes les vertus ! — Maintenant qu’il est fatigué par le jeûne, la continence et les instructions de nos maîtres spirituels, il ira donc, à l’heure enfin arrivée de sa joie, trouver l’infortune au milieu des forêts !

« Malheur à moi cruel, nature impuissante, subjuguée par une femme, homme de petite vigueur, incapable même de s’élever jusqu’à la colère, sans énergie et sans âme ! Une infamie sans égale, une honte certaine et le mépris de tous les êtres me suivront dans le monde, comme un criminel ! »

Tandis que le monarque exhalait en ces plaintes le chagrin qui troublait son âme, le soleil s’inclina vers son couchant et la nuit survint. Au milieu de tels gémissements et dans sa profonde affliction, cette nuit, composée de trois veilles seulement, lui parut aussi longue que cent années.

À la suite de ces plaintes, le monarque éleva ses deux mains jointes vers Kêkéyî, essaya encore de la fléchir et lui dit ces nouvelles paroles : « Ô ma bonne, prends sous ta protection un vieillard malheureux, faible d’esprit, esclave de la volonté et qui cherche en toi son appui ; sois-moi propice, ô femme charmante ! Si ce n’est là qu’une feinte mise en jeu par l’envie de pénétrer ce que j’ai au fond du cœur : eh bien ! sois contente, femme au gracieux sourire, voilà ce qu’est en vérité mon âme : je suis de toute manière ton serviteur. Quelque chose que