étendue, le monarque, plongé dans la tristesse, viendra lui-même tâcher de regagner tes bonnes grâces et te demander ce que tu désires : car, je n’en puis douter, ton époux t’aime beaucoup.
« Si ton époux t’offrait des perles, de l’or et toutes sortes de bijoux, ne tourne pas un regard vers ses présents.
« Mais si, voulant donner à ses deux grâces tout leur effet, ton époux te relevait de ses mains ; enchaîne-le d’abord sous la foi du serment ; ensuite, radieuse beauté, demande-lui, comme grâce première, l’exil de Râma durant neuf ans ajoutés à cinq années, et, comme seconde, l’hérédité du royaume conférée à Bharata.
« Ainsi, heureuse mère, ton Bharata, sans nul doute, obtiendra la plus haute fortune sur la terre ; ainsi, Râma, sans nul doute, ira lui-même dans l’exil.
« Ô toi, de qui la nature est toute candide, comprends quelle puissance la beauté met dans tes mains ! Le roi n’aura ni la force d’exciter ni la force de mépriser ta colère ; le monarque de la terre pourrait-il enfreindre une seule parole de ta bouche, puisqu’il renoncerait à sa vie même pour l’amour de toi ? »
Excitée par la suivante, sa maîtresse vit sous les couleurs du bien ce qui était mauvais ; et son âme, troublée par les influences d’une malédiction, ne sentit pas que l’action était coupable. En effet, dans son enfance, au pays des Kékéyains, elle avait jeté sur un brahme, qui semblait un homme stupide, l’injure d’une parole blessante ; et ce magnanime avait maudit en ces termes la jeune fille inconsidérée : « Puisque tu as injurié un brahme dans l’ivresse de l’orgueil, que t’inspire déjà ta beauté, tu recueilleras toi-même un jour le blâme et les mépris dans le monde ! »