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sée : eh bien ! cœur lâche, que le serpent des soucis te dévore, malheureuse, toi, que la science n’éclaire pas et qui vois les choses de travers ! Je l’estime heureuse, cette Kâaucalyâ, qui dans ce jour, où la lune entre en conjonction avec l’astérisme Poushya, verra son fils, au corps semé de signes propices, oint et sacré comme l’héritier du trône paternel ! Mais toi, femme ignorante, dépouillée de ta grandeur, tu seras soumise, comme une servante, à Kâaucalyâ grandie et parvenue même à la plus haute domination. On verra l’épouse de Râma savourer les jouissances du trône et de la fortune, mais ta bru à toi sera obscurcie et rabaissée ! »

Kêkéyî, fixant les yeux sur la Mantharâ, qui parlait ainsi d’un air vivement affligé, se mit joyeusement à vanter elle-même les vertus de Râma.

À ces paroles de sa maîtresse, la Mantharâ, non moins profondément affligée, répondit à Kêkéyî, après un long et brûlant soupir : « Ô toi, de qui le regard manque de justesse, femme ignorante, ne t’aperçois-tu pas que tu te plonges toi-même dans un abîme, dans la mort, dans un enfer de peines ? Si Râma devient roi ; si, après lui, son fils monte sur le trône ; puis, le fils de son fils ; ensuite, le rejeton né de son petit-fils, Bharata ne se trouvera-t-il point, Kêkéyî, rejeté hors de la famille du monarque ? En effet, tous les fils d’un roi n’ont pas le trône de leur père chacun dans son avenir. Entre plusieurs fils, c’est un seul, qui reçoit l’onction royale ; car si tous avaient droit à ceindre le diadème, ne serait-ce pas une bien grande anarchie ? Aussi est-ce toujours dans les mains de leurs fils aînés, vertueux ou non, que les maîtres de la terre, femme charmante, remettent les rênes du royaume ? De leur côté, arrivés au terme de la vie, ces fils aînés trans-