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tout a cessé pour moi ; elle est morte de mon amour, et c’est sa mort qui me tuera. Mais du moins, je veux aller près du lieu où elle repose, pour m’y endormir de mon dernier sommeil. Je partirai donc sous peu pour l’Italie, emportant ce buste que je veux placer moi-même sur sa tombe, comme un monument d’amour et d’expiation.

Je ne tentai aucun moyen de consolation ; car je voyais bien que j’avais affaire à une âme qui ne voulait point, et qui, peut-être, ne pouvait point être consolée.

Après avoir admiré encore une fois ce chef-d’œuvre de la statuaire moderne, donnant une seconde vie à un autre chef-d’œuvre de beauté qui avait porté le nom de Pia Toscanelli parmi les hommes, je me séparai de mon ami Carlo Rinaldi, mais non sans avoir obtenu de lui la promesse qu’il m’écrirait.

Quinze jours après je relisais les pages qui précèdent lorsque je reçus une lettre timbrée de Prato ; la voici :

Carissimo,

À peine arrivé à Prato, je me suis occupé du soin qui m’avait ramené, c’est-à-dire de placer le buste de ma bien-aimée Pia sur sa tombe. On peut le voir maintenant sur son socle de granit. Il est à l’abri des intempéries sous une niche formant chapelle. Il est là, comme une madone sur son autel, et je vais y prier et pleurer chaque jour. J’ai fait entourer le terrain d’une barrière. Dans l’intérieur croissent les fleurs qu’affectionnait ma chère morte.

Ô mon ami, l’homme voit dans cette vie des choses bien étranges ! Croiriez-vous que