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très fréquentes. Aussi me fut-il facile de trouver la place où reposait ma bien-aimée. Je me précipitai vers la terre fraîchement remuée, et je tombai à genoux en criant : Pia, ma chère Pia, m’entends-tu ? Réponds-moi… C’est Carlo, qui vient te dire le dernier adieu. Mais non, tu n’es pas, tu ne peux pas être morte…, ils t’ont enterrée vivante, les insensés… Tu t’étais endormie pour mieux m’attendre… Mais comme tu dois être mal dans cette couche étroite… Je ne veux pas que tu te réveilles en heurtant tes membres délicats aux parois de la tombe… Ah ! comme cette terre doit peser sur toi… Elle t’étouffe…, je t’entends crier…, tu me tends les bras… Attends, attends, je vais te délivrer et t’emporter loin de ce lieu maudit… C’est la chambre nuptiale qu’il te faut… Oh ! comme tu seras belle dans ta blanche robe d’épousée ! Et tout en parlant ainsi je creusais la terre de mes mains… Elles étaient déjà tout ensanglantées… J’étais à bout de forces. Alors, désespéré, la tête en délire, je pris encore une poignée de terre, et la lançant vers le ciel je criai : Ô mort, c’est vrai, tu as vaincu ! Sombre divinité, prends encore cette victime ; je t’appartiens !…

Elle ne voulut pas de moi.

Vers le soir, je fus réveillé par la pluie d’orage qui commençait à tomber. Je me remis sur pieds, et je me traînai jusque chez moi, chancelant et exténué ; car je n’avais ni bu ni mangé de la journée. Quand la Gazza m’aperçut elle poussa un cri d’effroi ; elle n’eut que le temps d’arriver pour me soutenir.