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Alors, je sentis mes cheveux se dresser sur la tête, mes dents claquèrent, tout mon corps fut secoué d’un tremblement convulsif, un voile épais s’abaissa sur mes yeux, et je tombai la face contre terre comme un homme frappé en pleine poitrine. Quand je revins à moi, j’étais couché sur un petit lit de fer, celui peut-être où avait reposé Pia, et deux personnes me veillaient : c’était Peppina et son oncle, le révérend père Balzani. Je me ressouvins de ce qui venait de se passer, et, bondissant loin de ma couche, je m’écriai :

— Non, non, elle n’est pas morte. Elle n’a pas pu mourir sans m’avoir vu, sans m’avoir pardonné.

— Elle vous a pardonné, Carlo, me dit alors Peppina ; elle m’a chargée de vous le dire. Vers ses derniers moments, comme j’étais assise près de son chevet, elle s’approcha de mon oreille, et murmura : Carlo ne viendra pas, ou il viendra trop tard pour que je puisse lui dire que je lui pardonne et que je regrette le mal que je lui ai fait. Répète-lui mes paroles, et ajoute que j’emporte au ciel le souvenir de notre amour sans tache. Si tu vois que mon départ de cette terre le rend trop triste, essaye de le consoler. Là-haut, je prierai pour lui.

— C’en est donc fait, il est bien vrai qu’elle est morte ! Dieu cruel, tu te fais un jeu d’envoyer des anges ici-bas, pour nous montrer la possibilité du bonheur, et puis tu te hâtes de nous les enlever !…

— Mon fils, me dit alors le père Balzani, n’accusez pas Dieu ; car vous ignorez ses desseins. Qui vous dit que l’épreuve qu’il